Mais ce lundi 31 mai, dans le cadre du Beauvau de la sécurité -cette grande consultation promise par Emmanuel Macron pour tenter d’améliorer les conditions de travail des forces de l’ordre et pallier leurs lacunes- une table ronde va enfin réunir les différents acteurs à même d’apporter des solutions.
De groupe Facebook à acteur officiel
Qu’ils soient politiques (comme la ministre déléguée Marlène Schiappa, qui présidera la réunion, ou l’ex-patron du Raid devenu député LREM Jean-Michel Fauvergue), dirigeants de la police nationale ou policiers en activité regroupés en associations, tous se retrouvent pour évoquer le suivi psychosocial des hommes et femmes en bleu. Une réunion qui ne sera néanmoins pas diffusée, en raison de la période de réserve imposée aux membres du gouvernement avant les élections régionales des 20 et 27 juin.
Parmi les interlocuteurs figureront les membres de Pep’s (pour Policiers entraide prévention suicide), une association qui a commencé comme groupe Facebook de conseils et de soutien moral face aux envies de suicide avant de prendre de l’ampleur jusqu’à devenir un acteur reconnu et même un partenaire de travail de la police nationale. Ces policiers de terrain consacrent une immense partie de leur temps libre à discuter avec des collègues dont ils ne connaissent souvent rien et qui se tournent vers eux en dernier recours pour tenter d’éviter l’irréparable.
“Nous sommes conviés pour intervenir en tant qu’association de prévention et dresser un tableau de la réalité du terrain”, explique au HuffPost Christophe Girard, le vice-président et porte-parole de Pep’s. Il espère qu’au regard des liens déjà noués avec les différents participants à la réunion, “ce sera une consultation et une discussion enrichissante plutôt qu’une présentation avantageuse de l’action de chacun.”
Remettre à plat le système et lutter contre une police trop hiérarchisée
Il vient en effet avec un programme déjà clair et deux grands axes à aborder. Cel commence par une remise en question du système actuellement en place, organisé autour du SSPO (Service de Soutien psychologique opérationnel), dont il est désormais clair, pour Christophe Girard, qu’il “ne fonctionne pas”. “Si le collègue en souffrance ne fait pas la démarche, le psychologue ne viendra pas à lui. Il faut changer cela pour que ce ne soit pas à ceux qui souffrent d’avoir à faire la démarche”, espère-t-il. En clair, changer de paradigme au sein de la police pour ”être proactif dans ce combat” contre le suicide.
Son deuxième combat porte davantage sur le fonctionnement de la police, où il voit une hiérarchie trop écrasante, trop puissante. “Il y a un rapport de domination constant vis-à-vis des subordonnés”, décrit-il. “Et donc forcément, quand ceux-ci sortent dans la rue, ils inversent le rôle et reprennent ce rôle de domination.” Ce qui fait dire à l’associatif qu’avec un peu plus de coopération au sein de la police, le rapport entre les forces de l’ordre et la population s’apaiserait également.
Au côté d’une autre association (APS pour Alerte Police en Souffrance), Christophe Girard et Pep’s voudront donc informer les décideurs politiques et institutionnels de la souffrance de leur profession. Des supérieurs hiérarchiques qui semblent de plus en plus à l’écoute, avant même la table ronde de ce lundi.
Déjà des avancées avec la police nationale
“Vendredi (le 28 mai, ndlr), on était avec le Directeur général de la police nationale Frédéric Veaux pour signer un protocole de travail entre le ministère et l’association”, explique fièrement le responsable associatif. Grâce à ce partenariat, Pep’s va désormais être connue des psychologues et des médecins qui travaillent avec le SSPO et la police, elle recevra des nouvelles des collègues en grande souffrance psychologique qu’elle aura orientés vers ces services, quelques jours de détachement vont être accordés à ses membres pour qu’ils puissent mener leurs actions associatives…
Un signe positif pour la suite, veut croire Christophe Girard, qui a pu longuement discuter avec le DGPN à l’occasion de la signature du texte. “On nous a déjà écoutés, des idées que l’on avait sont déjà en train d’être mises en œuvre (à l’image de l’expérimentation d’un dispositif de “sentinelles”, des personnes exposées du fait de leur fonction à des personnes en souffrance, et qui sont donc formées pour détecter les risques de suicide et pour échanger avec ceux qui les vivent, ndlr), on a déjà commencé le travail avec une représentante du ministère, à s’échanger des idées, à voir ce que l’on pourrait faire…”
“On devient un réel acteur de la prévention du suicide”, conclut le policier, en attendant de voir quelles réponses concrètes seront apportées à l’occasion du Beauvau de la sécurité. Lui et son association, en tout cas, disposent déjà de nombreuses idées pour lutter contre ce risque.
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