CANADA – Une foule de plusieurs milliers de personnes s’est rassemblée ce mardi 8 juin dans la soirée à London, en Ontario, pour une veillée funèbre en hommage à quatre membres d’une famille musulmane fauchés par un conducteur. L’acte qualifié de “terroriste” par le Premier ministre Justin Trudeau a relancé le débat sur la montée des violences anti-musulmans dans ce pays longtemps réputé tolérant et ouvert.
Par une soirée chaude d’été, des milliers de personnes, de toutes origines et de toutes religions, se sont recueillies à l’extérieur de la principale mosquée de cette ville du sud de l’Ontario, comme vous pouvez le voir dans notre vidéo en tête d’article.
Ce drame a provoqué émotion et colère au sein de la communauté musulmane, et un élan de solidarité dans la population en général qui a organisé une chaîne humaine sur le trottoir où les quatre membres de la famille Afzaal ont été fauchés. Des représentants de la communauté musulmane ont lancé un appel à l’action contre la “haine” et “l’islamophobie”, un message repris à l’unisson par les chefs des cinq partis politiques représentés à la Chambre des Communes d’Ottawa, tous présents à la cérémonie.
“Vous n’êtes pas seuls, tous les Canadiens sont en deuil avec vous et sont à vos côtés ce soir”, a dit le Premier ministre Justin Trudeau, qui a déposé un gerbe de fleurs à l’entrée de la mosquée.
Plus tôt, dans un discours devant la Chambre des Communes, Justin Trudeau avait assuré que “cette tuerie n’était pas un accident. C’était une attaque terroriste, motivée par la haine, au cœur de l’une de nos communautés”.
Un enfant de neuf ans orphelin
L’auteur de l’attaque, arrêté peu après les faits, avait foncé le 7 juin au soir sur une famille qui attendait de traverser à un carrefour, faisant quatre morts et un blessé grave, un enfant de neuf ans, aujourd’hui orphelin. L’homme, qui doit comparaître devant un juge jeudi, a été inculpé de meurtres avec préméditation.
“Il n’y a pas de mots qui puissent atténuer le chagrin de voir trois générations assassinées dans leur quartier”, a déclaré le Premier ministre Justin Trudeau. “Il n’y a pas de mots qui puissent effacer la douleur et la colère de cette communauté. Il n’y a pas de mots qui peuvent réparer l’avenir de ce petit garçon à qui on a retiré son avenir. Mais sachez que vous n’êtes pas seuls. Tous les Canadiens pleurent avec vous et sont à vos côtés ce soir et pour toujours.”
Le Premier ministre a rappelé que le Canada avait connu ces dernières années, et notamment depuis la fusillade de la mosquée de Québec qui avait fait six morts en 2017, une hausse “des actes de haine et de racisme” qui ont écorné son image d’ouverture et de tolérance envers les minorités.
“Nous devons avoir conscience que le Canada n’est pas immunisé contre ce genre d’intolérance et de division qu’on peut voir ailleurs dans le monde”, a prévenu le chef du gouvernement lors d’un point presse.
À l’instar de l’opposition et de plusieurs dirigeants de la communauté musulmane, il a reconnu que de nombreux musulmans vivaient dans la peur au Canada.
“Repousser l’ignorance et l’intolérance”
“Aujourd’hui, des Canadiens non-musulmans découvrent, parfois pour la première fois, l’insécurité et la peur dans lesquelles vivent les musulmans canadiens lorsqu’ils sortent”, a-t-il relevé.
Il a appelé ses concitoyens à “lutter activement pour repousser l’ignorance et l’intolérance”, ne serait-ce qu’en adressant un sourire aux prochains musulmans qu’ils croiseront.
Il a notamment promis de renforcer la lutte contre la haine en ligne, de mieux protéger les lieux de cultes ou de traquer les groupes racistes d’extrême droite, comme le gouvernement l’avait fait en début d’année en ajoutant l’organisation des “Proud Boys”, groupe “néofasciste”, à sa liste des entités terroristes interdites au Canada.
La police de London avait affirmé lundi que le suspect, Nathaniel Veltman, 20 ans, avait délibérément foncé sur une famille musulmane avec son pick-up dans le cadre d’un acte “prémédité et planifié, motivé par la haine”.
L’attaque a coûté la vie à trois générations de la famille Afzaal, originaire du Pakistan: Madiha, 44 ans, étudiante doctorante dans le domaine de l’environnement, son mari Salman, 46 ans, leur fille Yumna, 15 ans, et la grand-mère, âgée de 74 ans, selon un communiqué de la famille. Le fils du couple, âgé de neuf ans, a été grièvement blessé, mais ses jours ne sont pas en danger.
Elle a également ravivé le souvenir douloureux d’une fusillade de masse dans une mosquée de Québec en janvier 2017, considérée comme l’une des pires attaques du genre dans un pays occidental, avant celle de Christchurch, en Nouvelle-Zélande, en 2019.
Un suprémaciste canadien, Alexandre Bissonnette, âgé alors de 27 ans, avait ouvert le feu sur les fidèles rassemblés à la mosquée de Québec, tuant six personnes et en blessant grièvement cinq autres. Le tireur a été condamné à la prison à vie.
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