POLITIQUE – Opération de survie à un an de l’élection présidentielle. Les Républicains réunissent leur commission d’investiture ce mercredi 10 mars pour confirmer leurs derniers candidats aux élections régionales de juin prochain. Les enjeux sont multiples pour la formation de Christian Jacob, puissante à l’échelon local mais à la peine sur la scène politique nationale depuis quatre ans.
Le premier: faire émerger une figure incontestable pour porter les couleurs de la droite en 2022. Le scrutin du printemps prochain sera, à cet égard, une sorte d’épreuve du feu pour plusieurs patrons de région sortants LR, candidats à leur succession… avant d’éventuellement briguer l’Élysée.
Car à l’heure où certains partis lancent leur campagne présidentielle, le Rassemblement national en tête, Les Républicains sont toujours à la recherche de leur homme providentiel. Ils n’ont d’ailleurs pas encore tranché le mode de désignation. Quand bien même. Les différents sondages réalisés en vue de 2022 témoignent de la difficulté pour le premier parti d’opposition au Parlement de se faire une place dans le débat public (comme dans les intentions de vote).
Les barons locaux à la rescousse
Et on ne peut pas dire que la condamnation, en première instance, de Nicolas Sarkozy pour corruption, semblant fermer la porte à un retour politique pour 2022, aura permis d’apporter clarté ou sérénité dans les rangs de la formation gaulliste. Dans ces conditions et cette ambiance morose, quoi de mieux qu’une victoire électorale? Quoi de mieux qu’un succès pour se remonter le moral et amorcer une longue campagne présidentielle?
Comme souvent dans les formations dites “de gouvernement”, chez les socialistes ou les Républicains, les barons locaux sont chargés d’enfiler le costume de sauveur. D’autant que ces régionales, comme les dernières municipales, devraient accorder une prime aux présidents sortants, mis au premier plan par la crise sanitaire, que ce soit dans les médias ou sur le terrain avec la distribution de masques, tests ou repas.
Ayant gagné en notoriété ou en popularité, Xavier Bertrand dans les Hauts-de-France, Valérie Pécresse en Île-de-France, Jean Rottner dans le Grand Est et Laurent Wauquiez en Auvergne-Rhône-Alpes, pourraient en tirer des bénéfices. L’enjeu est donc clair pour LR: “il est important pour nous, après avoir gagné les municipales, de conforter notre ancrage territorial”, résume Christian Jacob, le président des Républicains cité le 17 février par l’AFP.
De là à gagner une région? Rien n’est moins sûr pour la formation qui en compte déjà sept dans son escarcelle depuis 2015. “Cette élection ne laisse que peu de place aux conquêtes, parce que pour conquérir une région, il faut bien faire campagne”, regrettait à ce sujet le numéro 3 du parti Aurélien Pradié aux Échos à la fin janvier, avant de se déclarer candidat tête de liste en Occitanie un mois plus tard.
La menace RN
Les Républicains pourraient donc avoir à se contenter d’un statu quo… si tant est qu’ils évitent de perdre une région au passage. En Paca (Provence-Alpes-Côte d’Azur) par exemple, où le Rassemblement national reste fort, la mission apparaît plus compliquée qu’ailleurs pour le sortant. Comme en Occitanie avec l’ancien député LR Jean-Paul Garraud, la formation d’extrême droite pourrait investir Thierry Mariani contre Renaud Muselier, un ancien ministre de François Fillon, pour siphonner les voix plus modérées.
C’est en tout cas la stratégie de Marine Le Pen en vue de 2022. Soucieuse de crédibiliser son image, la députée multiplie les signaux vers Les Républicains. Elle s’était déjà résolue à ne plus réclamer une sortie de la France de l’Union européenne (Frexit) ni de l’euro. Désormais, elle n’envisage plus de suspendre les accords de libre circulation de Schengen.
Décliné à l’échelon local, ce recentrage à droite semble donner quelques sueurs froides aux Républicains. “Thierry Mariani va essayer de parler à nos électeurs, il faut être vigilant”, expliquait le député du Vaucluse Julien Aubert le 23 février dernier au site20 Minutes. Une stratégie qui pourrait également avoir comme conséquence de pousser Les Républicains à des alliances dont ils n’ont pas franchement envie aujourd’hui.
Dès janvier, Christian Jacob a écarté l’éventualité de nouer des pactes locaux avec La République en marche avant le premier tour. “La politique, c’est la clarté. Les élections régionales ont une dimension nationale évidente. Je suis hostile aux alliances avec LREM pour des raisons qui tiennent à nos convictions et à l’efficacité”, justifiait à cet égard le sénateur de Vendée Bruno Retailleau, qui se verrait bien jouer un rôle en 2022.
Une primaire avant l’heure?
Et pour le second? Que fera la droite si le Rassemblement national est en bonne position pour l’emporter en Paca ou dans les Hauts-de-France? Il serait alors difficile pour Les Républicains de ne pas rééditer le “barrage” qui avait permis l’élection de Xavier Bertrand en 2015 par exemple. Difficile dans le même temps d’assumer un quelconque rapprochement avec les Marcheurs, à moins d’un an de la présidentielle. Comment se présenter contre le chef de l’État à la présidentielle après avoir gouverné avec lui au niveau local?
Une seule certitude: les candidats potentiels à la “grande élection” doivent impérativement l’emporter dans leurs régions en juin prochain. C’est le cas notamment pour Laurent Wauquiez, s’il souhaite revenir sur la scène nationale, pour Valérie Pécresse ou pour Xavier Bertrand, tous deux régulièrement cités pour 2022. “Si je n’obtiens pas la confiance des six millions d’habitants de la région des Hauts-de-France, je ne chercherai pas à gagner celle de 67 millions de Français”, expliquait sans ambages le président des Hauts-de-France au Monde en septembre 2020.
Un succès, en revanche, permettrait à ces anciens ministres de lancer une dynamique positive autour de leurs personnes et pourquoi pas s’imposer comme le candidat naturel de leur camp pour la prochaine présidentielle… qu’ils soient encore encartés LR ou non. Mais, la perspective -probable- d’une triple victoire aux régionales n’est pas sans risque, non plus, pour Les Républicains. La droite pourrait ainsi passer de la recherche d’une figure providentielle à la guerre des chefs qu’elle connaît si bien.