Goliath raconte le combat de France (Emmanuelle Bercot), une professeur de sport le jour, ouvrière la nuit qui milite activement contre l’usage des pesticides. Elle va croiser la route de Patrick (Gilles Lellouche), un avocat parisien qui lutte contre un géant de l’agrochimie, Phytosanis, dont un désherbant, la Tétrazine, aurait tué une de ses clientes. Un combat qui s’annonce rude face à des lobbyistes dont Matthias (Pierre Niney), prêts à tout pour défendre les intérêts de leur client.
Une fiction très largement inspirée des nombreux scandales de santé public des dernières années, parmi lesquels le chlordécone. Cet insecticide utilisé dans les bananeraies en Guadeloupe et en Martinique a contaminé plus de 90% de la population adulte selon Santé publique France. Ou encore le scandale du glyphosate, désherbant classé “cancérigène probable”par l’OMS depuis 2015 et jamais interdit par Emmanuel Macron, malgré ses promesses en 2017.
“90 % de ce qui est dans le film est vrai”, assure au HuffPost Frédéric Tellier, qui a eu l’idée de faire un film sur le sujet après avoir lu plusieurs livres sur les enjeux environnementaux, dont Le livre noir de l’agriculture, de la journaliste Isabelle Saporta.
Dans Goliath, il y est question de l’influence des lobbies dans la prise de décisions politiques, ainsi que de la réponse des mouvements de désobéissance civile comme Greenpeace ou Extinction Rebellion, dont certains activistes ont été consultés pour l’écriture du scénario.
Caroline Dubois – “GOLIATH”
“C’est le hasard de la vie, mais je n’ai réalisé que des histoires vraies ou en tous les cas des faits réels et j’y ai pris goût. J’ai toujours cette envie que ce soit extrêmement précis et de ne pas être à côté de la plaque,” poursuit celui à qui l’on doit notamment L’affaire SK1, qui évoque la traque du tueur en série Guy Georges dans les années 1990.
Le film a d’ailleurs un écho particulier dans l’actualité, alors que la France a validé le mois dernier une nouvelle dérogation permettant à nouveau l’usage des fameux néonicotinoïdes “tueurs d’abeilles”. Ces derniers seront utilisés par la filière betteravière en 2022, malgré l’interdiction générale prise en 2018.
Un destin à la Bac Nord?
Frédéric Tellier espère que les candidats à l’élection présidentielle s’empareront de son film, comme certains se sont emparés de Bac Nord de Cédric Jimenez. Le film -carton au box-office en 2021- suivait le parcours d’une brigade de police mobilisée dans les quartiers nord de Marseille. Il mettait notamment en scène de violents affrontements entre forces de l’ordre des jeunes des cités, si bien que Marine Le Pen ou Éric Zemmour avaient pris en exemple l’œuvre pour évoquer la “fin de l’État de droit” dans certains quartiers. Le long-métrage avait même été diffusé lors d’un grand oral sur la sécurité du syndicat de police Alliance, poussant le réalisateur Cédric Jimenez à rappeler qu’il s’agissait seulement d’une fiction.
Avec Goliath, Frédéric Tellier espère tout le contraire. “Ce serait bien d’avoir une récupération. Si ça peut rebondir politiquement ce sera intéressant”, explique-t-il, revendiquant vouloir ”éveiller les consciences” sur le sujet. “Je regrette profondément l’absence (de cette thématique-là, ndlr) durant cette période électorale. Dans cette campagne, on parle beaucoup d’économie, d’identité… d’un peu de tout sauf des êtres humains, de la qualité de vie en général et de la manière dont on doit la préserver à tout prix.” Une récupération vertueuse qui pourrait pousser les candidats à davantage s’engager sur ces sujets cruciaux.
L’environnement, un thème au cœur des préoccupations des Français
D’autant que le film sort au moment où les questions relatives à l’environnement sont quasi absentes des débats de la présidentielle. Aussi bien sur les plateaux télé que dans les meetings des candidats. Parmi elles, l’interdiction du glyphosate, reléguée au second plan, derrière des sujets identitaires ou en lien avec la défense, notamment depuis la guerre en Ukraine. Pourtant, la thématique environnementale est l’une des plus grandes préoccupations des Français. Elle se classe en 3e position derrière le pouvoir d’achat et le système de santé, selon un sondage Ipsos Sopra-Steria commandé par France Inter, fin janvier dernier.
Emmanuelle Bercot a elle aussi réalisé des films très engagés, se faisant la porte-voix de la lanceuse d’alerte Irène Frachon sur le dossier du Mediator avec La Fille de Brest. Ou explorant la thématique de la fin de vie avec De son vivant, qui a d’ailleurs remporté en César fin février.
Dans Goliath, Emmanuelle Bercot passe devant la caméra. Si elle assure que ce n’est pas la thématique du film qui l’a motivée à rejoindre le casting, elle est consciente que ce thriller passe un message puissant.
“On a fait une projection en Bretagne et il y avait une femme de chambre de l’hôtel où on avait habité quand pendant le tournage”, se remémore-t-elle. “Elle vit à la campagne au milieu des champs et à la fin de la projection elle m’a dit: ‘je ne savais pas tout ça, mais maintenant je vais faire très attention à ce que je mange’. Ça m’a paru fou mais si c’est le film qui lui a permis de prendre cette conscience de ça plutôt (…) au moins il a marqué des points et il en marquera des milliers!”
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