Des chiffres discutables, puisqu’en 2021, le docteur Alex J. Wood a voulu mener sa propre enquête. Dans l’étude Alienation Is Not ‘Bullshit’: An Empirical Critique of Graeber’s Theory of BS Jobs, il précise qu’“en 2015, seuls 4,8% des salariés européens estimaient que leur travail était inutile, alors qu’il n’y a pas une seule profession à la con dans laquelle une majorité de travailleurs sont de cet avis”, indique-t-il à Atlantico. Ces deux points de vue traduisent une réalité: on sait que les bullshit jobs existent, mais il est difficile pour certains salariés de l’accepter.
Pour se faire son propre avis, le journaliste franco-allemand Nicolas Kayser-Bril s’est également penché sur le sujet. Pour lui, ces actions se définissent de cette manière: “ce sont toutes ces tâches qui sont inutiles ou dont on imagine qu’elles sont utiles.” Dans son livre Imposture à temps complet, pourquoi les bullshit jobs envahissent le monde, paru en janvier 2022, il remonte le temps pour expliquer la genèse de ces emplois. L’auteur se questionne sur leur intérêt ainsi qu’aux personnes pour qui cette situation est profitable.
Le point de départ de cette longue enquête est sa propre expérience. Depuis son début dans le monde professionnel, il y a une quinzaine d’années, le journaliste a dû faire face à de nombreux bullshit jobs. Et en 2018, prenant conscience de ce qu’on lui demandait de faire, Nicolas Kayser-Bril a tout envoyé valser. Cette année-là, il est embauché sur un projet pour “former des multiplicateurs de journalisme en utilisant le “Blended Learning”.” Vous non plus, vous ne comprenez pas très bien ce que cela signifie? Il était dans le même cas!
Comment repérer les bullshit jobs dès l’entretien d’embauche?
Nicolas Kayser-Bril aurait peut-être dû se douter dès le début que cet emploi allait être qualifié de bullshit jobs. Après cette expérience, il s’est rendu compte que des signes pouvaient facilement nous alerter. Les indices à repérer dans les annonces sont ces “mots qui sont flous et qui n’ont pas de définition. En général, ce sont des mots en anglais”. Si un doute persiste, le candidat peut aller plus loin: demander à l’entreprise de définir précisément ce qu’elle fait. “Est-ce que c’est une organisation qui a un objectif clair et qui n’est pas complètement vague? Pour cela, on peut se tourner vers les documents de référence. Parfois, il y a des définitions de missions d’entreprise qui sont relativement claires.” Si dans le cas contraire, ces textes sont trop vagues, “il faut réussir à parler avec quelqu’un de l’organisation”.
Pour Nicolas Kayser-Bril, les bullshit jobs sont plus nombreux qu’on ne le pense, et ne sont pas sans conséquences: burn-out, dépression, colère… Alors, comment faire pour les éviter? “Pour moi, l’inverse du bullshit job c’est du boulot valorisant. Pour qu’il y en ait, il faut pouvoir être valorisé, faire quelque chose, une action et qu’elle soit reflétée dans la réalité. Pour ça, à mon avis, la meilleure situation c’est une forte croissance économique où il y a partout des choses à faire pour la majorité des travailleurs et des travailleuses”, conclut le journaliste. Selon une étude publiée en 2021, un salarié sur dix estimait que son travail a perdu du sens avec la pandémie.