CANICULE – Jusqu’à 40°C à Paris, 37°C à Lille, 39°C à Lyon, 35°C à Nantes. Les métropoles françaises suffoquent sous ces températures extrêmes qui se poursuivent ce mardi 19 juillet. La chaleur se dissipe plus lentement dans les villes, créant des ”îlots de chaleur urbains”, qui rendent la vie quotidienne des citadins particulièrement difficile en période de canicule

“Îlot de chaleur” est un nom presque trop joli pour qualifier la fournaise du coeur urbain. À Paris, plus de 10 degrés peuvent séparer l’agglomération de sa banlieue. La densité de population, les constructions très minérales et le manque d’espaces verts sont à l’origine de cette accumulation de chaleur en centre-ville.

Clim’, fausse pluie, arbres, goudron blanc, cités vertes, quelles sont les bonnes et les mauvaises stratégies que les villes peuvent déployer pour se refroidir

Quand Doha met la clim dans la rue

Certaines métropoles deviennent invivables avec le réchauffement climatique. Au Qatar, les températures de la capitale, Doha, excèdent régulièrement les 50°C. Dans l’urgence, la ville use de subterfuges technologiques. Des climatiseurs soufflent de l’air frais sur les marchés, le long des trottoirs ou encore dans les zones commerciales de plein air et jusque dans les stades qui accueilleront la Coupe du monde de football.

Seulement, les systèmes de climatisation sont contre-productifs en amplifiant le phénomène d’îlots de chaleur. Un système de climatisation fonctionne en effet comme une pompe à chaleur qui prélève de l’air chaud à l’intérieur pour le rejeter à l’extérieur, réchauffant ainsi l’air ambiant. 

La clim’ est même responsable d’un second cercle vicieux: un climatiseur fonctionne grâce à l’électricité générée, en majorité, par des centrales à charbon ou à gaz, produisant d’autant plus de gaz à effet de serre contribuant au réchauffement de la planète

Dubaï veut commander la pluie

Une autre ville du Moyen-Orient, Dubaï (Émirats arabes unis), s’est tournée, elle aussi, vers la technologie pour combattre les vagues de chaleur. Le pays a investi dans un projet de 15 millions de dollars pour contrôler sa météo et que la pluie tombe enfin sur la tête des Dubaïotes.  

Le pays espère qu’un jour des drones provoquent des averses en lançant des décharges électriques dans les nuages. Mais avant que des drones ne fassent la pluie et le beau temps, les EAU utilisent la bonne vieille méthode d’ensemencement des nuages, dont l’efficacité reste encore à démontrer. 

Développée depuis les années 90, cette technique consiste à envoyer des substances chimiques susceptibles de provoquer la condensation de la vapeur d’eau en gouttelettes, et ainsi, faire tomber la pluie.

L’ensemencement n’est possible que sous des conditions météo très particulières, ce qui rend la technologie aléatoire explique François Bouttier, chercheur à Météo France et expert en modification du temps au journal Libération: ”Ça n’a des chances de marcher que dans très peu de saisons, sur très peu de territoires (…) Ce n’est donc pas une solution viable pour résoudre les problèmes hydriques de pays entiers.”

Les médinas protégées des vents du désert

Commander la pluie ou souffler du vent frais avec des climatiseurs ne sont donc pas des solutions viables et efficaces aujourd’hui pour refroidir les villes. Sans l’aide de la technologie, comment faire face aux îlots de chaleur

Il y a des solutions ancestrales, rappelle au HuffPost Marjorie Musy, directrice de recherche au Cerema, spécialiste des vagues de chaleur en ville et des aménagements urbains, “les villes du nord du Maghreb s’ouvrent aux vents frais qui vient de la mer et se ferment côté désert pour ne pas faire rentrer les vents chauds”. C’est le cas des villes marocaines où les médinas (vieilles villes) sont protégées par de hauts remparts, comme à Essaouira, ville portuaire sur les flancs de la côte atlantique

Autre atout, “elles sont très denses avec de toutes petites rues bien protégées du soleil”, poursuit Marjorie Musy. Seul problème, nos modes de vie ont changé et ces formes de villes plus adaptées au climat, le sont moins du côté de l’usage. Les rues trop étroites empêchent la circulation des voitures ou des transports en commun. 

Les allées blanches de Los Angeles 

Difficile de revoir toute l’architecture des centres-villes, mais d’autres techniques très anciennes sont inspirantes, comme la peinture à la chaux. Utilisée depuis l’antiquité, sa couleur blanche permet de réfléchir la lumière et de garder l’intérieur des habitations bien au frais. Si vous voyagez en Grèce, la chaux recouvre les murs de Santorin.

Du côté de l’Amérique du Nord, une mégalopole a elle aussi misé sur le blanc, Los Angeles. La Cité des anges a créé des “chaussées fraîches”, en peignant quelques rues d’un revêtement blanc grisé. Le but: empêcher les bâtiments environnants de se réchauffer alors que les rues asphaltées peuvent monter à plus de 60°C. 

“Les surfaces vont moins monter en température, la température de l’air va aussi moins augmenter, mais par contre les piétons vont recevoir plus de chaleur”, tempère Marjorie Musy. La chercheuse conseille ainsi d’éviter le blanc pour les grandes places très fréquentées en journée par les piétons.

La Chine tente de créer des villes éponges 

Plus efficace encore que le blanc des murs: l’ombrage des plantes. En Chine, depuis 2015, treize cités tentent de se transformer en “villes éponges” où les végétaux poussent sur les murs et les toits. Objectif: capter l’eau grâce à la végétation. 

Les plantes rafraîchissent en effet l’atmosphère grâce à l’évapotranspiration : l’eau qu’elles puisent par les racines est rejetée par les feuilles sous forme de vapeur d’eau. Un chêne peut transpirer jusqu’à 1000 litres d’eau par jour selon l’Office national des forêts (ONF).

Planter des arbres oui, mais pas n’importe lesquels, précise Pierre Ouallet, chargé d’étude au Cerema en environnement et aménagement, interrogé par Le HuffPost. Chaque essence d’arbre rend un service différent précise-t-il, “parmi celles qui contribuent beaucoup à l’ombrage et à la fraicheur, il y a le platane, mais aussi le magnolia, le chêne, et le mûrier”. Remettre la nature dans le milieu urbain permettrait de diminuer d’environ 4 à 5°C les températures de nos centres-villes. 

Face aux îlots de chaleur, ce sont les îlots de fraicheur qui devront se multiplier dans les villes, confirme Marjorie Musy: “L’avenir c’est une ville apaisée avec moins de voitures, moins de voiries, et plus de nature.” Mais la végétalisation n’est pas le seul levier d’adaptation des villes au changement climatique. Il sera aussi nécessaire de revoir la taille, la couleur, et l’orientation du bâti.

L’idéal, selon la chercheuse, ce sont les barres blanches comme dans les grands ensembles, avec une forte densité de population. Toutefois, les cités ne ressembleraient pas à celles réalisées massivement dans les années 60-70, elles seraient réaménagées pour s’adapter aux fortes chaleurs.

Il faudrait orienter les barres nord-sud, et les espacer pour créer des couloirs de vent, avec au centre un îlot de fraicheur, continue-t-elle. Mais sur ce point, Marjorie Musy questionne notre capacité à nous adapter: “socialement et culturellement sommes-nous prêts à vivre de nouveau dans un grand ensemble?”

À voir aussi sur Le HuffPostFace à la canicule, les astuces pour se rafraîchir sans impacter le climat

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