Le cinéma du Média #1. Toujours mort, Beetlejuice bouge encore
À coups d’agrafeuse, Monica Bellucci réassemble son propre cadavre qui, à l’instant, gisait en pièces détachées sur le sol d’un hangar. Puis, tant bien que mal, l’avaleuse d’âmes se lève et repart à l’attaque. Le personnage restera très secondaire. Il est toutefois l’un des meilleurs de cette suite donnée trente-six ans plus tard à Beetlejuice. Parce que la scène est belle. Et parce qu’elle marque l’entrée dans le cinéma de Tim Burton de l’actrice qui, depuis deux ans, partage sa vie. La déclaration d’amour paraît insolite ? Elle correspond à la logique d’un cinéaste sur lequel le macabre a toujours exercé la plus puissante, et la plus positive, des séductions. Non seulement le moment est fort – à la fois affreux et cocasse –, mais il rassure : Burton reste amoureux de son art. Le numérique n’a pas tué l’artisan en lui, celui pour qui chaque créature ressemble à une poupée, un jouet s’adressant à l’enfant, ou au défunt, qu’il y a en chacun de nous. Car évidemment il s’est d’abord produit cela, entre 1988 et 2024 : le passage de la pellicule au numérique, du matériel à l’immatériel, du carton-pâte au pixel. Passage des couleurs, si vives dans le premier film, à cette lumière de cave qui a désormais tout envahi. Il ne fait jamais jour au royaume du numérique. Il ne fait jamais vraiment nuit non plus. Ni in, ni off. Le monde reste en mode veille. Le cinéma de Tim Burton a plus souffert que profité de ce changement de règne. Nombreux sont les admirateurs de la première heure – celle de Beetlejuice, d’Edward aux Mains d’Argent, des deux Batman et d’Ed Wood, cette merveille – qui ont cessé de le suivre à partir du passage à l’an 2000. Quel est le point commun entre Charlie et la Chocolaterie, Alice…