POLITIQUE – Le texte était “dans les tuyaux” avant l’attaque de Rambouillet mais tombe à point nommé pour le gouvernement: Gérald Darmanin présente ce ce mercredi 28 avril en Conseil des ministres un projet de loi qui entérine et renforce des mesures déjà expérimentées en matière de renseignement et d’antiterrorisme. Le 20e texte en 35 ans.
La coïncidence est “bien triste” mais “la dernière réunion d’arbitrage était concomitante à l’attentat” vendredi après-midi, confie à l’AFP un conseiller ministériel.
Son inscription à l’ordre du jour du Conseil des ministres dès ce mercredi, une semaine après l’avis rendu par le Conseil d’État, était actée “depuis plusieurs jours”, assure une source proche de l’exécutif, balayant la suspicion d’une accélération du calendrier après le drame survenu dans les Yvelines.
Un an avant l’élection présidentielle, et alors que la sécurité fait partie -après la santé et la crise sanitaire- des principales préoccupations des Français selon les sondages, ce projet de loi est l’une des briques de l’exécutif dans sa riposte aux attaques de l’opposition sur ce terrain, émanant notamment de Xavier Bertrand et de Marine Le Pen, candidats déclarés à la course à l’Élysée.
Ce meurtre au couteau d’une agente administrative par un Tunisien radicalisé, perpétré au sein-même d’un commissariat, alourdit la charge politique et symbolique d’un texte qui s’ajoute à la vingtaine de lois antiterroristes promulguées en France depuis 1986.
“L’hydre islamiste est toujours très présente”, ce qui justifie de continuer ”à renforcer nos moyens pour lutter contre une menace qui évolue”, a plaidé Gérald Darmanin dans Le Journal du dimanche.
Ce texte porté par le ministre de l’Intérieur n’est, pour l’essentiel, que le toilettage d’un arsenal de dispositions déjà existantes mais que l’exécutif voulait graver dans le marbre législatif.
Fort de 19 articles, il vise principalement à conférer “un caractère permanent” aux mesures expérimentées dans le cadre de la loi sur la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme (Silt) votée en octobre 2017 pour sortir de l’état d’urgence en vigueur après les attentats de 2015, explique-t-on au ministère de l’Intérieur.
Arrêter avec la “naïveté”
Il s’agit là des “visites domiciliaires” -les anciennes perquisitions administratives-, des mesures individuelles de contrôles (Micas) -ex-assignations à résidence-, de l’instauration de périmètres de sécurité et de la fermeture de lieux de culte.
Les mesures individuelles de contrôles (Micas) – ex-assignations à résidence – pourront elles être prolongées “jusqu’à deux ans” après la sortie de prison, contre un an aujourd’hui, pour les personnes condamnées à au moins cinq ans ferme pour terrorisme.
Ces mêmes “sortants”, s’ils présentent une “dangerosité particulièrement élevée” de récidive, pourront aussi faire l’objet de mesures judiciaires, telles qu’établir sa résidence en un lieu donné ou respecter une prise en charge sanitaire, jusqu’à cinq ans après avoir purgé leur peine.
″Ça concerne un peu moins d’une centaine de détenus qui ont été condamnés, qui vont sortir, et qui doivent impérativement être suivis et suivis de près”, a expliqué le garde des Sceaux Eric Dupond-Moretti sur France 2 mercredi matin.
Cette mesure peut être vue comme la réponse à la censure l’été dernier par le Conseil constitutionnel de l’essentiel d’une proposition de loi LREM prévoyant des “mesures de sûreté” pour les détenus terroristes sortant de prison.
Le gouvernement souhaitait que les “visites domiciliaires”, que Gérald Darmanin avait intensifiées après la décapitation de Samuel Paty en octobre 2020, puissent être menées en cas de simple “menace grave” et non plus en cas de menace d’une “particulière gravité”, mais a choisi d’y renoncer après l’avis du Conseil d’État.
Sur le volet renseignement, une révision de la loi de juillet 2015 est nécessaire face à “l’évolution des technologies et des modes de communication, qui se caractérisent, en particulier, par l’utilisation croissante d’outils de communication chiffrés”, souligne-t-on au ministère.
Ainsi, la durée autorisée pour recueillir des données informatiques sera portée à deux mois et les interceptions de correspondances échangées par voie satellitaires seront facilitées.
Enfin et surtout, le texte propose que la technique controversée de l’algorithme, introduite dans la loi de 2015 et qui permet le traitement automatisé des données de connexion pour détecter les menaces, soit pérennisée, dans le respect du droit européen.
Interrogé dans Le JDD sur le risque d’atteinte aux libertés individuelles, Gérald Darmanin a demandé d’arrêter avec la “naïveté”. “Toutes les grandes entreprises utilisent des algorithmes. Et il n’y aurait que l’État qui ne pourrait pas les utiliser?”
Le projet de loi, dont la promulgation doit aboutir avant la fin juillet, promet de vifs débats au Parlement comme dans la rue, où il risque de provoquer une nouvelle levée de boucliers des défenseurs des libertés publiques.
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