LGBTI – Un souvenir douloureux. Ce vendredi 23 octobre paraît aux éditions Anne Carrière la traduction en français d’un roman qui, à sa sortie à l’étranger en 2014, a fait beaucoup de bruit. Il s’intitule Un jour, je serai trop célèbre et a été écrit par le jeune auteur canadien Raziel Reid.
Devenu une voix non négligeable pour la communauté LGBTI dans le domaine de la littérature pour jeunes adultes grâce à ce livre, qui a d’ailleurs fait de lui le plus jeune lauréat du prestigieux Governor General’s Award, le romancier dresse ici le récit d’un ado “atypique” au destin tragique.
Jeune garçon ouvertement homosexuel, Jude rêve d’une chose: être une star d’Hollywood. Les codes, il les envoie valser. Ce qu’il aime, c’est se maquiller, porter les talons de sa mère et venir au bahut dans des tenues échancrées. Mais voilà, cantonné à sa petite ville ensevelie sous la neige, il subit de plein fouet l’homophobie de son entourage. La vague de haine est telle qu’elle le conduit à sa perte. Jude meurt assassiné, deux balles dans la tête.
“Burn Book” et harcèlement
Cette fiction n’en est pas vraiment une. Elle est inspirée d’un fait-divers qui a marqué les États-Unis, et plus particulièrement la ville californienne d’Oxnard, en 2008. C’est celui de l’assassinat de Larry King, considéré à l’époque par la presse américaine comme “le crime le plus flagrant lié à l’homophobie depuis le meurtre en 1998 de Matthew Shepard”.
Lawrence King, de son vrai nom, avait beau être de petite taille, “il était difficile de le manquer”, raconte un article de Newsweek. Vernis, paillettes, brushing. Comme dans le roman de Raziel Reid, il aimait se mettre en valeur. Comme dans le livre, aussi, il était harcelé pour qui il était.
“Des gens au hasard s’approchaient de lui et se mettaient à rire”, raconte l’une de ses anciennes camarades de classe au magazine américain. Un soir d’Halloween, quelqu’un aurait lancé des fumigènes dans sa maison. À l’école, une élève aurait, comme dans le film “Lolita Malgré Moi”, constitué un “Burn Book”, un vieux journal rempli de rumeurs sur lui et son orientation sexuelle. À la fin, une menace. “Je déteste Larry King. J’aimerais qu’il soit mort”, se souvient un parent qui l’avait eu entre les mains.
La Saint-Valentin
“Un jour, ils le regretteront, aurait-il dit à une de ses amies. Un jour, je serai célèbre.” Le jeune homme n’avait pas peur de confronter ses agresseurs. On raconte qu’il aimait s’assoir à la table des garçons populaires de l’école, leur demander d’une voix fluette si ça ne les dérangeait pas qu’il se pose à côté d’eux. Dans les vestiaires, il allait les voir et leur dire qu’ils étaient sexy pour les chambrer. Il trouvait amusant de les voir rougir, mal à l’aise. Lorsqu’un enseignant lui a demandé, un jour, de retirer le gloss qu’il avait sur les lèvres, il a accepté. Le lendemain, il en portait encore plus.
Le 14 février, Larry et ses amies se lancent un jeu: déclarer leur flamme au garçon de leur choix et l’inviter à être leur Valentin. Il nomme un certain Brandon, un garçon dont il était amoureux. En plein milieu d’un match de basketball où jouait celui-ci, Larry l’intercepte devant ses copains et lui fait sa demande. Les autres garçons raillent leur ami et profèrent à ce dernier, comme à Larry, des insultes homophobes. Brandon ne plaisante pas. Il conseille à l’une des amies de Larry de lui faire ses adieux.
Deux jours plus tard, à 8h30, Brandon se lève au milieu de la classe. Sans que personne ne s’en aperçoive, il sort une arme de sa poche, la brandit sur la tête de Larry et tire. Non pas une, mais deux fois. Il jette le pistolet par terre, quitte la salle. Sept minutes plus tard, la police l’arrête. Larry, lui, est transporté d’urgence à l’hôpital. Il meurt deux jours plus tard de lésions cérébrales.
“Il savait ce qu’il faisait”
Une enquête est ouverte presqu’aussi tôt. Pour la justice, comme pour les associations de défense des personnes homosexuelles, ça ne fait pas de doute. C’est un crime homophobe. La famille de l’accusé, elle, se défend. Comme le souffle le roman, on raconte “qu’il aurait simplement voulu éviter [les] scandaleuses avances”. “Ils insinuaient que je l’agressais sexuellement, commente le personnage principal à la page 219. […] C’est ça, et j’avais aussi cherché à lui enfourner le bout de ma baguette en forme d’étoile dans le cul.”
Un an plus tard, révèle le Los Angeles Times, la justice tranche. Le syndrome de la “panique homosexuelle”? Rien de tout ça. Brandon McInerney est reconnu comme l’agresseur. “Il était familier des armes à feu. Il savait ce qu’il faisait”, conclut la procureure. Alors âgé de 14 ans, l’adolescent est placé en détention provisoire jusqu’au verdict. En 2011, il tombe. Brandon McInerney est condamné à 21 ans de prison.
Depuis, le temps a passé. Douze années se sont écoulées depuis la fusillade. Douze années au cours desquelles les crimes homophobes et transphobes, comme le préfigurent l’attentat d’Orlando aux États-Unis et le meurtre de Vanesa Campos en France, n’ont pas faibli. Un jour, je serai trop célèbre l’écrit en grand.
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