La bande dessinée -à ses origines plutôt réservées à la fiction et à la jeunesse- s’est révélée le temps passant un outil pédagogique et documentaire précieux, notamment pour raconter la vie des grands personnages de l’histoire. Plus ludique, plus accessible, la biographie en BD ne peut pas répondre aux mêmes objectifs qu’une biographie traditionnelle: avec moins de texte et d’espace, le format contraint les auteurs à se focaliser sur un angle spécifique ou à se consacrer à l’essentiel, tandis que sur un versant plus créatif, le dessin permet des opportunités nouvelles pour saisir des fragments d’Histoire.
Le calendrier des nouveautés de cet automne dévoile de nombreuses biographies à sortir simultanément dans les librairies de bande dessinée. En voici quatre exemples, avec des approches très différentes.
Anaïs Nin, sur la mer des mensonges (Léonie Bischoff, Casterman)
Napoléon 1769-1821 (Tatsuyoshi Kobayashi & Atsuo Sugaya, Nobi Nobi)
À l’extrême inverse en termes d’intentions artistiques, le manga inaugure une collection pédagogique à destination des enfants de 10 à 12 ans. La justesse historique du propos des auteurs japonais sur l’empereur de France étonne, de même que leur esprit de synthèse et l’exhaustivité de ce qui est raconté dans ce petit livre: les grandes batailles, la conquête du pouvoir, le Sacre, le Code civil, les cent jours… Tout cela en arrivant à contextualiser simplement la Révolution française pour des enfants. Peu de subtilité cependant pour cet ouvrage hagiographique et assez simpliste, qui ne s’embarrasse pas d’un commentaire critique sur Bonaparte, sinon pour dire qu’il était très gentil avec son épouse. Le dessin est passe-partout, avec un petit côté animation japonaise des années 1980 anachronique. L’ouvrage, somme toute recommandable, inaugure une collection aux côtés d’une biographie de Cléopâtre. D’autres volumes suivront bientôt sur Marie-Antoinette, Mozart et Jeanne d’Arc.
François Truffaut de Noël Simsolo & Marek (Glénat)
On s’intéresse au célèbre cinéaste français de façon relativement académique, privilégiant une approche factuelle et chronologique, tout en affichant une hauteur de vue et une ambition artistique bien supérieure au manga cité ci-dessus. Le livre s’adresse plutôt aux cinéphiles, mais pas trop spécialistes. Henri Langlois et la Cinémathèque de Paris, André Bazin et l’équipe des Cahiers du Cinéma sont au cœur de la première partie de l’ouvrage, avant que l’on ne croise à chaque page d’immenses cinéastes: Hitchcock, Renoir, Rohmer, Rivette, Godard, Chabrol, Spielberg ou Demy. La plus grande surprise de cette lecture est que l’on n’y voit presque jamais François Truffaut au travail: la plupart de ses films sont cités, mais on ne sait pas comment ils ont été montés ni réalisés. Cependant, la richesse des anecdotes et des situations abordées, de même que d’intéressants parallèles entre la vie du cinéaste et les grandes thématiques qui traversent son œuvre confèrent à cette bande dessinée un intérêt réel. D’autant que le scénario aborde certains pans de la vie de Truffaut sans fard ni fausse pudeur.
Che, une vie révolutionnaire Jon Lee Anderson & José Hernández (Vuibert)
C’est peut-être la plus ambitieuse de ces quatre biographies. Présentée sous la forme d’un long roman graphique de plus de 400 pages, l’album s’efforce de raconter les grands moments de la vie de Che Guevara autant que de transmettre le souffle de la Révolution. Si l’ouvrage peine à analyser – ou même énoncer – l’idéologie du Che et de ses compagnons de route (la bande dessinée n’est pas forcément le meilleur support pour y parvenir), elle parvient à renouveler notre regard sur le leader communiste, et surtout (c’est l’ambition affichée par le scénariste en introduction) à le présenter avec un peu d’épaisseur aux jeunes générations. Cependant, s’il restitue la force du mythe, l’album “Che, Une vie révolutionnaire” manque parfois de distance critique et occulte les aspects plus problématiques de la révolution cubaine. Reste un magnifique portrait sur une grande figure de notre histoire contemporaine.
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