Je fais partie des milliers d’enseignants qui tentent vainement de muter d’année en année.
Un résultat qui sonne comme un verdict
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Les résultats tant attendus apparaissent comme un verdict, verdict qui nous semble de plus en plus acéré, catégorique et qui nous pousse vers la porte de sortie.
«Personnellement, je demande simplement à rentrer chez moi auprès de mon conjoint et de ma famille.»
Un grand nombre d’entre nous sait qu’à partir du 1er mars de cette année, nous nous retrouverons face au mur.
Néanmoins, nous ne souffrons pas d’une perte de vocation. Nos profils sont divers et variés certains en poste, d’autres non. Certains en situation de handicap, d’autres conjoints de personnes mutées par leur entreprise quand certains souhaitent juste pouvoir choisir leur lieu de vie.
Nous ne pouvons plus justifier de remettre en question nos couples, nous ne pouvons plus justifier de laisser nos parents souffrants seuls, nous ne pouvons plus supporter de sécher nos larmes et celles de nos proches les dimanches quand nous partons.
Autant de profils différents qui sont tous toujours animés par l’envie d’enseigner
De perpétuer ou de retrouver ces moments partagés avec nos élèves. Cette fierté dans le regard de celui qui réussit à déchiffrer ses premiers mots, ses premières phrases.
La première, mais pas la dernière participation de cet élève en mathématiques. Lui qui était persuadé d’être “mauvais”, c’est d’ailleurs souvent la première chose qui nous aura dite…
Le regard confiant des parents lorsque leurs enfants leur diront pour la première fois à quel point ils adorent l’école. Les larmes parfois quand nous sommes les témoins de bouleversements dans leur vie.
Des instants fugaces qui s’enchaînent inlassablement de jour en jour, de semaine en semaine, de mois en mois, d’année en année. Tous ces instants qui donnent du sens à notre fonction, qui nous construisent en même tant que nos élèves.
Tous les ans, le doute et l’injustice
En 2021, sur 17.179 participants (5% des professeurs d’école), seulement 3614 mutations ont été accordées, soit un taux de satisfaction de 21,04%. En 2020, ce taux était de 23,31% et en 2019 de 23,47%. Ce taux de satisfaction n’a plus dépassé les 30% depuis 2010.
En 2010, le taux de satisfaction pour les personnes handicapées bénéficiant des 800 points était de 96,22%, celui des agents séparés de leur conjoint atteignait 65,9 %.
Aujourd’hui les barèmes d’entrée dans une grande partie des départements sont tellement hauts que 800 points peuvent être considérés comme un “petit” score. Ces barres d’entrées sont élevées car le nombre d’entrées et de sorties est de plus en plus limité. On enregistre pourtant un nombre de participants sensiblement similaire chaque année (entre 16.000 et 17.000 depuis 2010).
Personnellement, je demande simplement à rentrer chez moi auprès de mon conjoint et de ma famille.
Le département de la Creuse est pourtant favorable à ma demande de retour face au cruel manque d’enseignants dans ses écoles. Cependant, le département de l’Essonne dans lequel j’exerce est également déficitaire il devient rare d’avoir l’accord d’une mutation. Ayant “seulement” 300 points, je sais d’avance que je vais devoir continuer à vivre à plus de 300 kilomètres de ma famille et j’ai bien peur de ne pas en être capable moralement, physiquement et financièrement.
Démissions, absence de remplaçants, classes vides…
Depuis quelques semaines, nous recevons dans nos boîtes mail académiques les circulaires pour les démissions, les ruptures conventionnelles, les mises à disposition, des congés parentaux… Des classes donc partiellement vides à la rentrée de septembre.
Nous savons pertinemment que les départements sont en flux tendu, qu’il manque des remplaçants partout et qu’à la semaine de la rentrée, nous verrons sur Pôle emploi ou Le bon coin pulluler des annonces pour recruter des remplaçants et nous… Rien.
Néanmoins vous annoncez le recrutement tous les ans de nouveaux enseignants alors que le dédoublement des classes de grande session/CP/CE1 n’est pas achevé. Nous retrouvons tous dans notre entourage un collègue qui a abandonné, qui est parti. Le nombre de démissions dans l’Éducation nationale a triplé en quelques années et comprenez bien que nous ne démissionnons qu’en dernier recours. En 2016, 3,18% de démissions sur l’ensemble de la profession.
Épuisement et incompréhension
Le ton de cette lettre semble certes accusateur mais entendez bien nous sommes juste épuisés et nous ne comprenons pas le choix qui est fait de bloquer la mobilité des personnels.
Les dernières années ont été éprouvantes à bien des égards pour notre profession et nous ne nous sentons ni estimés, ni respectés par notre ministère. Qu’avons-nous bien pu faire pour mériter un tel acharnement?
Nous avons répondu présents pour assurer à nos élèves le moins de rupture dans leur scolarité, pour limiter les effets délétères de la situation sanitaire sur la santé psychique, pour assurer le respect des valeurs de la République et former nos futurs concitoyens.
Est-ce trop de demander un geste en notre faveur? Ne suffirait-il pas pourtant d’augmenter la dotation de postes au mouvement interdépartemental pour régler bon nombre de problèmes? Pourquoi pas nous? Nous sommes titulaires, présents, volontaires, formés…
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Ce témoignage, initialement publié sur le compte Instagram de Maîtresse Agate, a été republié sur Le HuffPost avec l’accord de son autrice.
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