POLITIQUE – Il est loin le coup de maillet du 12 décembre 2015. Laurent Fabius concluait treize jours acharnés de négociations sous les vivats des délégations de 195 pays différents: la quasi-totalité de la planète s’engageait alors, depuis Paris, à contenir le réchauffement climatique “nettement” au-dessous de +2°C, et si possible +1,5°C, par rapport à l’ère préindustrielle. 

Cinq ans plus tard, ce samedi 12 décembre, de nombreux chefs d’État et de gouvernement participent, en visioconférence, à un sommet anniversaire. Sans commune mesure avec l’emblématique COP21, ce nouveau grand raout, organisé entre autres par Emmanuel Macron, a pour principal objectif de “rehausser les ambitions climatiques des uns et des autres”, selon les mots de l’Élysée.

La tâche est grande. L’accord de Paris a certes permis de limiter la casse en termes de réchauffement climatique, mais les dirigeants mondiaux ne sont toujours pas à la hauteur du défi, selon les mots du secrétaire général de l’ONU. Et les crises sanitaires et économiques liées au Covid-19 ne sont pas de nature à susciter l’optimisme des défenseurs du climat.

Rapports accablants et mobilisation des jeunes

La pandémie a bien entraîné une réduction historique des émission de gaz à effet de serre, mais cela aura un effet “insignifiant” sur le changement climatique, selon les Nations unies: le monde file toujours vers 3 degrés de réchauffement. “Nous en sommes à 1,2°C et nous observons déjà des extrêmes climatiques et une volatilité sans précédents”, insistait Antonio Guterres le 2 décembre dernier depuis l’université de Columbia à New York.

Canicules, ouragans en série, méga-feux de forêts, inondations… La multiplication des événements dévastateurs est un signe sans équivoque du réchauffement de la planète, qui vient de vivre la décennie la plus chaude jamais observée.

Ces dernières années ont également été marquées par plusieurs batailles diplomatiques et le retrait fracassant des États-Unis des accords de Paris… mais elles ont aussi été celles des nouveaux constats accablants de la science soulignant l’urgence à agir, et d’une prise de conscience sans précédent de ces enjeux, surtout chez les jeunes.

Figure de proue du mouvement Fridays for Future, la militant écologique Greta Thunberg a d’ailleurs dressé un bilan cinglant de l’action des dirigeants de la planète, avant qu’ils ne se retrouvent ce samedi. “Des objectifs lointains et hypothétiques sont fixés, de grands discours sont prononcés, mais quand il s’agit de l’action immédiate dont nous avons besoin, nous sommes toujours dans le déni complet”, a-t-elle fustigé, dans une vidéo publiée jeudi soir. 

Inquiétudes liées à la pandémie de Covid-19

Et elle n’est pas la seule à s’inquiéter de ce manque d’horizon à court terme. L’ONU regrette l’importance des investissements des stratégies de relance post-Covid des pays aisés dans des secteurs consommateurs et producteurs d’énergies fossiles. Il faudrait réduire cette production de 6% par an d’ici 2030 pour espérer respecter le seuil de +1,5°C.

Laurent Fabius, le patron de la COP21 plaide lui aussi pour des plans de relance de l’économie “verts et pas bruns”. 

Partant du constat que “la mobilisation est moindre pour lutter contre le dérèglement climatique que contre la Covid, alors qu’il est plus grave à terme”, l’ancien chef de la Diplomatie français explique à l’AFP qu’il aurait été nécessaire d’insister beaucoup plus “sur les conséquences y compris à court terme du dérèglement climatique pour les populations les plus précaires”. 

D’autant que dans certaines régions, la crise sanitaire s’ajoute à un contexte économique déjà précaire. La situation est “extrêmement difficile” “pour les pays en développement et les Pays les moins avancés”, déplore Vanessa Laubin, consultante internationale climat et territoires à 20 Minutes, dressant un constat limpide: “la crise climatique n’est pas dans la priorité du moment.” 

Malgré tout, la France veut voir dans cette pandémie une “opportunité inédite” de reverdir l’économie mondiale plutôt qu’un coup de freins aux ambitions.

“On a un enjeu de relance coordonnée au niveau mondial pour que l’économie sorte de la crise, du choc économique du Covid. Finalement, c’est une opportunité inédite d’utiliser ces financements pour transformer nos modèles économiques, nos modèles de croissance et aller chercher ces gains d’efficience en matière d’émissions de CO2”, nous explique-t-on à l’Élysée avant d’annoncer un nouveau “One planet summit” au moins de janvier. Pour occuper le terrain. 

Paris veut une pluie d’engagements 

“La crise Covid, parce qu’elle a obligé le report d’un certain nombre de grands événements internationaux, risquait de démobiliser. Et donc il fallait, dès le mois de janvier, pour une année 2021 riche en événements environnementaux, donner la cadence, montrer l’ambition”, fait valoir la présidence. 

Pourquoi attendre? Il reste quelques motifs d’espoirs pour cette fin d’année 2020. Vendredi, les vingt-sept dirigeants de l’Union européenne sont tombés d’accord pour relever leur objectif de réduction de gaz à effet de serre d’ici 2030. Et ils ne sont pas être les seuls dans ce cas.

“Beaucoup d’États confirmeront les engagements qu’ils ont pris au cours de l’année 2020, d’autres feront de nouvelles annonces”, veut croire la présidence de la République alors que les organisateurs ont fait le choix de n’inviter que les dirigeants ayant des engagements récents à détailler ou à annoncer. 

Emmanuel Macron a d’ailleurs fait part de son espoir, vendredi en clôture du Forum zéro carbone organisé par la mairie de Paris, de voir la Chine “dans les jours qui viennent aussi, marquer un accroissement” de ses objectifs. Responsable de plus d’un quart des émissions mondiales de gaz à effet de serre, le géant chinois avait créé la surprise en septembre en s’engageant à “commencer à faire baisser les émissions de CO2 avant 2030″ et atteindre “la neutralité carbone d’ici 2060”. 

“Tous les pays doivent rehausser leurs engagements climatiques d’ici à la COP26”, a encore martelé le chef de l’État à quelques heures d’ouvrir le sommet virtuel.

Les dirigeants internationaux ont donc près d’un an pour plancher sur de nouveaux objectifs avant ce nouveau rendez-vous climatique, indispensable à l’élaboration de politique globale, organisé en novembre 2021 à Glasgow. Seule une vingtaine de pays avait annoncé, au 8 décembre dernier, des trajectoires plus ambitieuses que celles de 2015. Soit 5% des émissions mondiales de gaz à effet de serre.

À voir également sur Le HuffPost: Ces membres de la Convention climat refusent d’être les “faire-valoir” de Macron 

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