Difficile de décrire exactement ce qui se passe dans le cerveau d’une personne de bonne humeur. Enquêter sur la bonne humeur, c’est un peu comme se demander pourquoi les trains sont à l’heure. Jusqu’à récemment, il y avait peu d’études sur le sujet. Résultat: cet état d’esprit positif mais pas excessif, qui n’est ni de la joie ni de l’euphorie et qui s’inscrit dans la durée, reste mystérieux. Les scientifiques commencent juste à en percer les secrets.
Mécanisme cérébral en lien avec notre survie
Le psychiatre Michel Lejoyeux explore ainsi, dans Les Quatre Saisons de la bonne humeur (JC Lattès), les méthodes prouvées scientifiquement pour cultiver cette vision positive. À l’origine de la bonne humeur, il y a un neurotransmetteur, la dopamine, générée dans les régions profondes du cerveau. “Lorsque vous apprenez une nouvelle qui vous fait plaisir, par exemple, vous ressentez un shoot d’énergie, dû à une décharge de dopamine dans votre cerveau, explique Gilles Pourtois. Cela vous donne un gain énergétique, vous vous sentez puissants.”
Mais la dopamine ne suffit pas à expliquer l’effet à moyen ou long terme de la bonne humeur. Un autre neurotransmetteur agirait également: la sérotonine, que l’on utilise d’ailleurs dans les antidépresseurs. C’est l’équilibre entre ces deux neurotransmetteurs qui serait la recette de la bonne humeur chez l’humain.
Plus attentif à la nouveauté
“Notre cerveau fonctionne selon deux modes, analyse le chercheur: le mode ‘exploitation’ lorsque celui-ci travaille sur les données déjà emmagasinées, ce que nous faisons, par exemple, quand nous dormons ou ruminons des pensées. Et le mode ‘exploration’ lorsque le cerveau traite les stimulus extérieurs. L’action de la dopamine sur notre cerveau lui donne l’énergie qu’il faut pour le faire passer en mode exploration.”
Une humeur positive vous amène ainsi à ouvrir votre esprit et vos yeux sur ce qui se passe autour de vous. Vous êtes plus attentif à la nouveauté, plus apte à associer des idées. En revanche, les personnes qui se trouvent dans un état d’esprit négatif vont avoir tendance à focaliser leur attention sur elles-mêmes, à ruminer des pensées négatives.
Un peu comme si vous évoluiez dans la vie avec deux appareils photo: l’un doté d’un grand-angle et de toutes les optiques, et l’autre qui ne ferait que des selfies en gros plan. Quand vous êtes de mauvaise humeur, vous êtes en mode selfie, introverti. Quand vous êtes de bonne humeur, vous optez pour le grand-angle et la vue panoramique. Cela va vous permettre de voir des choses que vous n’aviez pas envisagées.
La bonne humeur rend plus créatif
“Cela dépend à la fois de notre patrimoine génétique et des traumatismes vécus. Si votre transmission dopaminergique (le mécanisme de gestion de la dopamine) est défaillante parce que certains gènes vous manquent et que vous avez été confronté à des traumatismes majeurs pendant votre enfance, vous avez davantage de risques de développer des troubles de l’humeur à l’âge adulte”, prévient ainsi Gilles Pourtois.
L’étonnant pouvoir du sourire
D’autres conseils sont davantage de l’ordre du bon sens: faire de l’exercice physique, s’exposer à la lumière, adopter un régime alimentaire riche en vitamine D et en aliments fermentés qui boostent la production de sérotonine. Pour être de bonne humeur, il suffirait de suivre les conseils de notre mère, car la science lui donne (une fois de plus…) raison!
Pas si étonnant, car notre humeur est sans doute liée à nos besoins fondamentaux. C’était déjà l’intuition des Grecs qui, dans l’Antiquité, faisaient le lien entre humeur et organes. Nous en avons d’ailleurs nous-mêmes l’intuition lorsque la faim qui nous tenaille le ventre nous met de mauvais poil.
Sensation de plein et d’énergie
Son principal objectif est de maintenir l’équilibre entre les dépenses et les gains d’énergie, ce que les scientifiques nomment “allostasie”. En clair, notre cerveau fonctionne comme le département chargé des finances d’une entreprise. Il liste les recettes et les dépenses et effectue des transferts d’argent, afin que son budget reste à l’équilibre.
Ce n’est pas de tout repos: sans cesse sollicité (chaque action, chaque pensée a un coût énergétique), le cerveau va chercher à toujours compenser les dépenses par des gains. Les sensations de calme ou d’agitation, de plaisir ou de déplaisir, ce que les scientifiques nomment les “affects”, seraient ainsi des résumés de l’état de notre “budget corporel” venant de notre système intéroceptif. Si vous vous sentez de mauvais poil de façon chronique, c’est sans doute que vous avez besoin d’un dépôt d’urgence. Dans ce cas, peut-être faut-il vous demander si vous dormez assez, ou si vous vous êtes alimenté correctement ces derniers jours, avant de rejeter la faute sur votre conjoint(e)… Si le compte est OK, si votre réservoir est plein, vous êtes rempli d’énergie, et c’est cette sensation de plein, d’énergie à disposition, que nous nommons “bonne humeur”.
Ainsi armé(e), vous êtes plus apte à faire face aux aléas de la vie. Notre capacité à produire de la bonne humeur est comme un kit de survie que nous pouvons utiliser en cas d’urgence. “C’est un médicament qui permet de gérer au mieux les événements de stress majeurs: un divorce, un accident ou la perte d’un proche. Tous ces drames vous mettent dans une situation à risque, analyse Gilles Pourtois. Sans cette possibilité de produire cette humeur positive qui influe sur votre perception de la réalité, vous risqueriez de vous rétracter sur vous-même et ne plus être capable de gérer vos besoins primaires. La bonne humeur est un mécanisme qui vous permet de créer les ressources cérébrales nécessaires afin de retrouver un niveau d’humeur normale qui oscille entre le positif et le négatif. C’est là l’un des secrets des personnes résilientes!” Plus vous serez capable de produire de la bonne humeur, plus vous serez en mesure d’affronter les difficultés de la vie. Au travail!
Adoptez le régime de la bonne humeur! Les conseils de Michel Lejoyeux
Vous pouvez agir sur votre humeur. La première chose étonnante est l’effet de l’exercice physique: il vous suffit d’effectuer 6 min de marche rapide pour augmenter de 30% votre niveau de bonne humeur.
Vous pouvez aussi modifier votre alimentation. Une étude récente a comparé les régimes alimentaires de personnes de bonne et de mauvaise humeur. Or, certains aliments étaient, étonnamment, davantage consommés chez les premiers: les cornichons, les yaourts, la choucroute et les pickles! Qu’ont-ils en commun? Ce sont tous des aliments fermentés qui font travailler le tube digestif et lui font produire des neuromédiateurs, comme la sérotonine, dont le cerveau a besoin pour se maintenir dans une humeur positive. Autre molécule importante, la vitamine D permet de bien faire fonctionner les noyaux gris centraux, neurones du centre du cerveau. Vous pouvez en faire le plein grâce à l’alimentation. On la trouve dans les sardines et les maquereaux, par exemple. La lumière permet également de la synthétiser.
Là encore, pas besoin de s’exposer des heures au soleil, ce qui d’ailleurs pourrait être dangereux pour la santé. On sait aujourd’hui qu’il suffit de passer une heure par jour seulement à la lumière, même artificielle, pour bénéficier des bienfaits de la vitamine D. Donc, ayez chez vous au moins une pièce particulièrement bien éclairée, surtout en hiver lorsque les journées sont plus courtes.