Car il y a ce quelque chose, cette divagation permanente, latente, inexprimée, de plus en plus profonde; et cette question qui revient sans cesse: qu’est-ce que je fais là?
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Rêveuse, je l’ai toujours été, notamment grâce aux livres, merveilleux refuge à la puissance inépuisable de l’imagination. Mais ce sentiment de décalage avec les gens de mon entourage grandit toujours plus. Alors, comme souvent lorsque l’on refuse de s’écouter, c’est mon corps qui finit par parler.
Une vie parfaite menée comme un combat et des remises en questions permanentes
Bien sûr on apprend à s’intégrer, à s’adapter, et à accueillir avec politesse cette dose d’informations elliptiques. Ne sont que rarement évoqués la culture, la littérature, les voyages, la philosophie, la musique ou l’art. Peu de contenance, et beaucoup de vide. Comme tous ces événements auxquels j’ai assisté avec tant de fierté. Fierté d’appartenir à cette secte de sournois prétentieusement cravatés. Tous pareils, et pourtant tous persuadés qu’ils sont uniques. Toutes ces conversations que j’ai écoutées d’une oreille, blâmant mes difficultés de concentration ou mes migraines lorsque l’unique explication a mon évasion mentale était que je m’en foutais. Royalement. Qui parmi ces banquiers est capable de comprendre une femme?
Et moi qui me suis forcée à les écouter, tous ces extravertis imbus d’eux-mêmes. Mais pourquoi me direz-vous? Parce que je doutais de ma crédibilité. Parce qu’en tant que femme trader, nous n’avons aucune place. Nous n’avons ni leur extraversion, ni leur voix écrasante, ni leur carrure. Mais surtout, nous avons tout à perdre, et rien à gagner. Nous doutons sans cesse de nos compétences. Ma mauvaise santé a exacerbé ces remises en questions permanentes.
Quand un homme entre dans ce monde de la finance de marché, il se doit de parler et de rire fort, d’avoir des histoires captivantes à raconter, quand bien même elles sont fausses. Il doit avoir l’air intelligent. Je dis bien avoir l’air, c’est-à-dire s’en convaincre, et convaincre les autres de ce mensonge. Car les mensonges dont on se persuade sont toujours les plus coriaces.
Une femme, quant a elle, doit faire tout l’oppose pour se faire accepter. Parler, mais pas trop fort. Non se taire en fait, c’est mieux. Rire, mais pas trop fort. Bon, juste sourire, allez. Ne pas boire mon dieu c’est tellement vulgaire une fille qui boit. Mais être fun quand même. Attention sans pour autant devenir une débauchée ou une mère incapable qui ne penserait qu’a sortir et faire la fête. Quel casse-tête!
Je n’ai ni regrets ni remords d’avoir (temporairement?) quitté ce monde. Je suis fière de ce que j’ai accompli. Car au final, dans ces métiers traditionnellement masculins, être une femme est bien entendu aussi un atout. Elles peuvent être très à l’écoute de leurs clients, capables de nouer des relations professionnelles uniques et spéciales par leur douceur, leur écoute et leur empathie. Dommage que les stéréotypes sociétaux et l’image masculine de ces métiers empêchent les femmes de se diriger vers ces industries où elles pourraient briller.
La santé et la crise du Covid, déclencheurs de la décision
On me dira que je suis folle, puis que j’ai de la chance. Aucun des deux n’est vrai. Seulement parfois les quelques soucis du moment font émerger la bonne idée au bon moment pour atterrir au bon endroit. L’adversité a été ma bénédiction. Je ne suis pas d’une famille fortunée, mais rêveuse et voyageuse.
Je me suis souvenue au bon moment que le monde était vaste. Je ne dois ma réussite professionnelle et mes décisions de vie à personne. Je me suis hissée à la force de mes bras jusqu’à cette carrière dont je suis, il est important de le mentionner, extrêmement fière.
La vie est une chance, et il faut la saisir. Cela nécessite seulement un peu de courage. Helen Keller, l’une des premières écrivaines à m’avoir profondément marquée, a écrit: “La vie est une aventure audacieuse, ou rien du tout”.
A 7 ans, ses paroles résonnaient déjà en moi. Nul besoin de moyens financiers faramineux, et malgré l’image pécuniairement avantageuse que peut véhiculer mon métier, je n’ai jamais roulé sur l’or, et suis partie le porte-monnaie bien léger.
Alors comme le Petit Prince de Saint-Exupéry, second livre de mon enfance qui ne me quitte jamais, ne vous laissez pas envahir par votre vie en oubliant vos rêves et vos aspirations et “faites que le rêve dévore votre vie afin que la vie ne dévore pas votre rêve”.
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