Rik, 25 ans
Nous avons appris que ma copine était enceinte au printemps 2018, alors que nous utilisions un moyen de contraception. Un mois auparavant, nous avions eu une conversation sur ce que nous ferions si cette situation se présentait. J’étais sûr de ne pas vouloir qu’elle avorte, mais elle ne savait pas quoi en penser.
Après le test de grossesse, les choses ont changé. Elle a tout de suite su qu’elle ne voulait absolument pas de bébé. J’étais encore à l’université – ce n’était pas la meilleure situation pour élever un enfant. J’avais encore des doutes, car j’ai toujours su que je voulais être père jeune. En grandissant, mon père était malade en phase terminale, et j’ai donc manqué une figure paternelle active. Je n’arrêtais pas de changer d’avis. Parfois, j’avais l’impression que c’était le moment idéal pour fonder une famille, mais d’un autre côté, je savais que ce n’était pas possible. Finalement, ma copine a mis le holà.
Avant la procédure, nous avons eu un rendez-vous chez le médecin généraliste, qui s’est très mal passé. Le médecin a insinué qu’elle ne voulait pas vraiment avorter et que j’étais le méchant dans l’histoire. Nous avons quitté son cabinet en colère et déçus, ce qui n’a fait qu’empirer la situation.
Nous avions rendez-vous à 8 heures du matin dans une clinique d’avortement à Roermond [à 200 km de La Haye, où habite Rik]. Contrairement à notre médecin généraliste, les employés de la clinique ont été très serviables et n’ont pas porté de jugement. Je suis resté dans la salle d’attente pendant l’opération. Je voulais être là au cas où il se passerait quelque chose.
Les jours qui ont suivi l’avortement ont été les plus difficiles. L’équilibre hormonal de ma copine était complètement perturbé. J’avais l’impression que sa peine était de ma faute. Pour l’instant, nos rapports sexuels ne sont pas aussi amusants et insouciants qu’avant. Le sujet est encore tabou.
Tu ne peux pas te balader en disant à tout le monde que tu te sens mal parce que ta copine s’est fait avorter. J’ai fait très attention à qui j’en ai parlé. J’avais peur que les gens se méprennent ou jugent, mais aussi que je ne puisse pas me contrôler si quelqu’un réagissait négativement.
D’une certaine manière, cette expérience nous a rapprochés et nous a rendus plus forts. Nous avons vraiment hâte d’être prêts pour avoir des enfants.
Matt*, 26 ans
Je vivais à New York quand c’est arrivé. J’avais 16 ans, elle en avait 17. Nous avons fait l’amour sans nous protéger. Elle était convaincue qu’elle était stérile parce qu’elle avait eu des problèmes aux ovaires, mais quelques semaines plus tard, elle m’a envoyé un SMS pour me dire qu’elle était enceinte. J’étais sous le choc.
Elle m’a dit qu’elle voulait avorter et m’a demandé si je pouvais participer aux frais, étant donné que la procédure n’est pas couverte par le système de santé américain. Surtout, nous ne voulions pas le dire à nos parents. Le problème, c’est que je n’avais absolument pas d’argent, donc j’étais complètement stressé. Il fallait que je trouve 400 dollars en quelques semaines, alors j’ai vendu beaucoup de weed.
Après l’avortement, il m’a fallu quelques semaines pour ressentir le soulagement. Au début, j’avais peur qu’elle me reproche tout. Nous en avons parlé superficiellement à plusieurs reprises, et cela a en effet créé une certaine tension. J’ai ressenti beaucoup de honte et de culpabilité. Cette expérience m’a fait prendre conscience pour la première fois que je n’étais pas seulement un être sexuel ; que j’avais aussi la capacité de me reproduire.
C’est triste qu’il y ait tant de honte autour de l’avortement. Nos deux familles sont très progressistes et pro-choix, mais nous avons intériorisé cette négativité de la société en général.
Tim, 37 ans
Ma femme a avorté deux fois : la première fois il y a quatre ans et l’autre deux ans plus tard. Elle est retombée enceinte environ un an après la naissance de notre premier enfant – nous ne nous étions pas protégés. C’était un timing terrible. Elle venait d’ouvrir un bar et j’étais sur le point de reprendre les études. Nous voulions d’autres enfants, mais ce n’était pas le bon moment.
Les deux fois, j’ai eu l’impression que j’étais surtout là pour apporter un soutien. Je n’ai pas eu le droit d’être présent pendant les consultations ou l’intervention, ce qui est une bonne chose pour beaucoup de femmes, mais qui donne l’impression d’être exclu si l’on est dans une relation amoureuse. Il faut se contenter des signaux et des mots que vous recevez de votre partenaire.
C’est vraiment triste comme expérience. La douleur dure un certain temps. Tout semble un peu irréel, comme si vous rompiez avec quelqu’un que vous connaissez à peine, mais pour qui vous aviez un énorme béguin. Dans les semaines qui ont suivi, j’ai remarqué que j’y pensais beaucoup moins qu’elle. Elle souffrait beaucoup plus que je ne l’avais imaginé.
Je suis content que l’avortement soit un choix aux Pays-Bas, mais ce n’est toujours pas un sujet que l’on peut aborder sans réfléchir. Heureusement, j’avais des amis à qui je pouvais parler. J’avais honte parce que je connaissais des gens qui avaient tout essayé pour avoir des enfants et qui n’y arrivaient pas. J’avais aussi du mal à en parler, parce que je sentais que ces émotions ne m’appartenaient pas et que je devais me concentrer sur celles de ma femme. Je pense que c’est pour cette raison qu’il est difficile d’avoir une discussion plus ouverte sur l’avortement : les femmes sont meilleures que les hommes pour en parler.
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