« Il faut que notre pays cesse d’être un guichet social pour l’immigration du monde entier. » Dans une interview donnée à Cnews (surprise !) le 20 mai dernier, Jordan Bardella, tête de liste Rassemblement national (RN) aux élections européennes, tentait de faire passer les immigrés pour des profiteurs du modèle social français. Un grand classique pour le parti, qui souhaite réserver la plupart des aides sociales aux Français.

Pour savoir si le RN dit vrai, il faut analyser deux aspects. D’un côté, les dépenses sociales que touchent les immigrés ; de l’autre, les recettes qu’ils apportent aux caisses sociales via les taxes, cotisations sociales et impôts qu’ils acquittent.

Jordan Bardella, dans cette interview comme dans d’autres, ciblait particulièrement l’aide médicale d’Etat (AME), un dispositif permettant aux étrangers en situation irrégulière de bénéficier d’un accès aux soins même s’ils n’ont pas cotisé un seul centime. Qu’en est-il, au-delà du cas très atypique de l’AME ?

Des immigrés plus pauvres et plus jeunes

Commençons par les prestations sociales touchées par les immigrés. Grâce à l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), on peut décomposer précisément la nature des revenus selon l’origine migratoire. Et incontestablement, « les prestations sociales ont une plus grande part dans le niveau de vie des immigrés (12 %) et des descendants d’immigrés (10 %) que dans celui des personnes sans ascendance migratoire (5 %) », écrit l’Insee.

Cela ne veut cependant pas dire que les immigrés sur-profitent des allocations. Le chiffre traduit surtout… leur niveau de vie plus faible. Ainsi, « 31,5 % des immigrés ont un niveau de vie inférieur au seuil de pauvreté monétaire, [un taux] près de trois fois plus élevé que celui des personnes sans ascendance migratoire (11,1 %) », indique l’Insee.

Un niveau de vie plus faible signifie en effet qu’on est éligible à davantage d’aides et que lesdites aides sont proportionnellement plus importantes dans le revenu que quand on est aisé (100 euros sur 1 000 pèsent plus que sur 10 000). La France est donc loin d’être le paradis social pour immigrés que fantasme régulièrement le Rassemblement national.

Dans le détail, sur une année, un immigré moyen touche un peu plus que la moyenne des ménages pour les allocations chômage (150 euros de plus) et pour le reste des prestations sociales (+ 780 euros). En revanche, il touche 2 130 euros de moins pour les pensions et retraites. Cela s’explique probablement, et en partie, par des carrières professionnelles plus hachées et des salaires moindres que la moyenne.

Mais l’explication tient aussi à une pyramide des âges des immigrés très différente de la moyenne française, avec une population immigrée plus jeune. Dans une autre étude, l’Insee indique ainsi que « les immigrés sont surreprésentés aux âges actifs : les trois quarts d’entre eux (74 %) ont entre 18 et 64 ans, contre un peu plus de la moitié (56 %) des non-immigrés ».

Ce dernier point est crucial pour répondre à la très vieille question de l’impact des immigrés sur l’économie, et par extension sur les caisses de la Sécurité sociale. De nombreux travaux s’y sont attelés, non sans difficultés méthodologiques. La plupart (par exemple cette étude de l’OCDE ou une autre menée par trois chercheurs français) estiment que l’impact des immigrés sur les finances publiques est au pire nul, au mieux légèrement positif.

Une contribution sociale significative

Cela n’a rien de surprenant car les immigrés arrivent souvent dans un nouveau pays dans la force de l’âge, avec pour projet de faire meilleure fortune que dans celui qu’ils ont quitté.

Malgré les discriminations à l’embauche, les immigrés occupent souvent un emploi, ce qui entraîne le versement de cotisations aux caisses sociales ainsi que l’acquittement de certains impôts comme la contribution sociale généralisée (CSG). Comme le résumait l’économiste Xavier Chojnicki dans un article de recherche au milieu des années 2010 :

« Même si, en moyenne, les immigrés semblent payer moins de taxes et recevoir plus de transferts que les natifs, la différence de structure par âge de la population immigrée, comparativement aux natifs, conduit à une contribution nette moyenne d’un immigré au budget de l’État supérieure à celle d’un natif. »

Au total donc, les immigrés cotisent beaucoup, contrairement au mythe répandu par l’extrême droite. On se souvient ainsi d’Eric Zemmour, l’été dernier, assurant que, « ces gens-là [les habitants des banlieues, où les immigrés sont sur-représentés, NDLR] sont gorgés – je dis bien gorgés – d’allocations sociales et de privilèges de toutes sortes. »

Une affirmation que nous avions alors démontée dans un article qui indiquait par exemple qu’en moyenne, un habitant de Seine-Saint-Denis apporte 9 343 euros de recettes par an à la protection sociale. Seuls six départements font plus en France métropolitaine (Paris, Hauts-de-Seine, Yvelines, Rhône, Haute-Garonne et Alpes-Maritimes). Vous avez dit guichet social ?

Retrouvez notre série « Les contre-vérités du Rassemblement national » :

1/ « Les énergies intermittentes saccagent le système électrique français »

2/ « Une submersion migratoire touche aujourd’hui la France »

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