Avec un taux de positivité de 55% dans les centres d’hébergement, les distributions alimentaires ou les foyers de travailleurs où MSF a conduit des tests, il s’agit de “prévalences particulièrement élevées, surtout dans les foyers et les centres d’hébergement”, souligne le rapport.
L’enquête, décrite comme la toute première en France et en Europe à s’intéresser exclusivement au niveau d’exposition au virus parmi les grands précaires, concerne surtout les étrangers, qui représentent 90% de l’échantillon de 818 personnes testées par l’ONG.
Près de 90% de cas positifs dans deux foyers de travailleurs migrants
“Les résultats démontrent une prévalence énorme. La raison principale est la promiscuité et les conditions d’hébergement qui ont généré des clusters”, par exemple dans les gymnases où ces personnes ont été mises à l’abri à l’aube du confinement généralisé, commente pour l’AFP Corinne Torre, cheffe de la mission France chez MSF.
Menée entre le 23 juin et le 2 juillet avec Epicentre, le centre d’épidémiologie qu’héberge MSF, l’étude révèle de fortes disparités selon les types de sites sur lesquels les personnes ont été testées: ainsi, dans les 10 centres d’hébergement où elle intervient, le taux de positivité atteint 50,5%, contre 27,8% sur les sites de distribution alimentaire et 88,7% dans les deux foyers de travailleurs migrants.
“En Europe et en France, aucune autre étude ne montre ce type de prévalence. Ces chiffres-là, ces proportions-là, on ne les retrouve qu’en Inde, dans les bidonvilles du Brésil… et encore, on est plutôt à 40, 50%”, s’étonne Thomas Roederer, épidémiologiste chez Epicentre.
En France, le taux de positivité de la population générale oscille plutôt entre 5 et 10%. Selon Santé publique France, il était à 8% en fin de semaine dernière, et autour de 12% sur Paris, là où se trouvent les principaux sites couverts par MSF.
MSF réclame un changement dans la politique d’hébergement de ces populations
“C’est ce qu’on disait depuis le début, on savait que ces conditions d’accueil ne pouvaient pas fonctionner, que c’était impossible d’y respecter les gestes barrières”, regrette Corinne Torre, dénonçant en particulier la situation en gymnases, où MSF a été mandatée au début de la crise pour mener des tests. “Il faut changer de stratégie d’hébergement car cela reflète la situation générale des personnes qu’on suit, ça donne un premier aperçu”, en termes d’exposition au covid, extrapole-t-elle encore.
Le risque d’être infecté au coronavirus, tempère Thomas Roederer, “dépend largement de la gestion” de chaque site. Ainsi, selon le centre d’hébergement où étaient logés les personnes testées, les moyennes de contamination pouvaient varier de 23 à 62%, 18 à 35% pour les sites de distribution alimentaire.
C’est principalement sur ces derniers lieux que MSF a croisé des précaires français, sans-abri ou simplement des personnes n’ayant pas les moyens d’accéder aux soins “et qui venaient dans nos cliniques mobiles”, affirme la responsable de MSF. Quant aux foyers de travailleurs migrants, où la quasi-totalité des personnes testées ont été infectées, “on parle de livreurs Deliveroo, de chauffeurs Uber, etc.”, relève Thomas Roederer.
Le document a été transmis au ministère de la Santé, où MSF doit être reçue mercredi. Et l’ONG espère un changement de braquet sur le sujet, explique Corinne Torre, “car on se retrouve aujourd’hui dans la même situation”, avec un campement de migrants en banlieue de Paris où s’entassent 1.400 personnes selon MSF, qui y déploie une clinique mobile. “On craint que les mises à l’abri ne se fassent encore à l’arrache, avec des gens envoyés massivement en gymnases”, dit-elle. “On craint de repartir dans le même schéma.”
À voir également sur le HuffPost: Les nouvelles restrictions annoncées à Paris par Didier Lallement pour faire face au covid-19