Changement de discours ce mercredi 6 janvier. Invité au journal de 20h de France 2, le professeur Delfraissy déclare désormais “qu’il faut être inquiet vis-à-vis de ce variant” et “tout faire pour éviter son extension”. C’est que depuis le mois de décembre les connaissances à propos du variant britannique, aussi appelé B.1.1.7, ont progressé de manière conséquente.
La communauté scientifique s’inquiète: le nouveau coronavirus anglais pourrait être potentiellement plus dangereux que sa souche originelle. En cause, la plus grande contagiosité du variant. Car les chercheurs nous alertent: un virus plus transmissible s’avère aussi plus mortel.
Un article en cours de revue du Centre for Mathematical Modelling of Infectious Diseases de la London School of Hygiene and Tropical Medicine publié le 26 décembre affirme que le variant anglais serait 56% plus transmissible que les souches précédentes.
Repérée par les chercheurs, c’est notamment une mutation appelée N501Y de la protéine “spike” du virus, la clé dont se sert le SARS-CoV-2 pour infecter nos cellules, qui facilite considérablement la transmissibilité du variant. En d’autres termes, le virus britannique serait plus contagieux car il est plus efficace que les autres coronavirus pour s’introduire dans les cellules humaines.
Les études n’ont néanmoins pas établi une plus grande létalité du nouveau virus, c’est-à-dire qu’une personne infectée n’a a priori pas plus de probabilité de décès qu’après avoir été contaminée par un autre variant.
C’est donc en raison de sa plus grande contagiosité que ce variant pourrait faire plus de victimes.
Jusqu’à cinq fois plus de décès
L’épidémiologiste Adam Kucharski l’explique sur Twitter, une augmentation de 50% de la transmissibilité du coronavirus peut entraîner jusqu’à cinq fois plus de décès qu’une augmentation de 50% de sa létalité.
Pour sa démonstration, le chercheur part d’une hypothèse où l’on étudierait les effets de la pandémie sur une population de 10.000 personnes contaminées.
Au départ, cette population est infectée selon les paramètres suivants: un taux de létalité de 0,8% et un taux de reproduction (le fameux R0) du virus de 1,1 pour une durée d’incubation égale à 6 jours. En clair, chaque personne en contamine en moyenne 1,1 autre. Au bout de 30 jours, on dénombre 129 morts.
Imaginons maintenant un virus 50% plus mortel. Cela veut dire que pour 1000 personnes touchées, il n’y aurait plus 8 morts, mais 12 environ (on passe de 0,8% à 1,2% de mortalité). Sur l’exemple pris par le chercheur, cela veut dire que l’on passe de 129 à 193 morts.
Maintenant, prenons le cas d’un virus 50% plus contagieux. En 30 jours, le nombre de morts explose à 978.
Pourquoi ? Le graphique ci-dessous réalisé pour le Council of Foreign Relations illustre, sur la base des hypothèses d’Adam Kucharski, le caractère exponentiel de la différence de mortalité entre un virus plus contagieux et un virus plus létal. Une hausse de la contagion entraîne une hausse très importante du nombre de personnes contaminées et donc, in fine, du nombre de décès. Même si le taux de mortalité ne change pas.
Le scénario épidémiologique décrit par Adam Kucharski est valable pour des situations analogues à l’épidémie actuelle, c’est à dire relativement maîtrisée. Si la pandémie devenait incontrôlable, une létalité accrue du virus s’accompagnerait également d’une explosion exponentielle de la mortalité comme lors de l’hypothèse d’une plus grande transmissibilité du coronavirus.
Nathan Peiffer-Smadja, médecin infectiologue à l’hôpital Bichat à Paris, en conclut que la dangerosité du coronavirus anglais réside en sa capacité à saturer les hôpitaux. “S’il faut retenir un point c’est qu’un variant plus transmissible est beaucoup plus inquiétant qu’un variant plus mortel car le problème du Covid-19 n’est pas son taux de mortalité (comme Ebola) mais sa capacité à se transmettre massivement et à mettre le système de santé à genoux” déclare-t-il sur Twitter.