POLITIQUE – Habituellement, les relations internationales ne sont abordées qu’à la marge d’une élection présidentielle, durant laquelle les différents prétendants à l’Élysée préfèrent parler du quotidien des électeurs. Pour autant, et alors que la crise en Ukraine a un impact direct sur le portefeuille des Français, en raison de la pression que fait peser la menace d’une intervention russe sur le prix de l’essence, l’intérêt pour la question a dépassé les initiés du jeu diplomatique. 

Il faut dire que l’hypothèse d’une guerre ouverte aux portes de l’Europe, qui plus est impliquant des puissances dotées de l’arme nucléaire, a effectivement de quoi attirer l’attention. Raison pour laquelle les différents candidats à l’élection présidentielle ont été interrogés sur le sujet.

Et plus qu’un clivage droite/gauche, c’est surtout la position à adopter vis-à-vis des États-Unis et de la Russie qui divise la classe politique. Pour résumer, l’offre électorale se scinde globalement en deux groupes distincts: les partisans d’une approche occidentale qui plaident pour une position de fermeté vis-à-vis de Vladimir Poutine, et ceux qui penchent pour un rapprochement avec le Kremlin et une mise à distance de l’UE et des États-Unis. Le HuffPost fait le point sur les positions des différents candidats

Pécresse et son “conseil de sécurité paneuropéen”

À droite, Valérie Pécresse entend obtenir des compromis de la Russie comme de l’Ukraine. Lors de son passage à C Dans l’air, le 6 février, la candidate LR estime qu’il faut “parler avec fermeté” à Moscou, et avec “avec franchise” à Kiev. Ce qui revient à considérer que l’Ukraine est dans son bon droit d’exprimer la volonté d’adhérer à l’Otan (ce qui est un casus belli pour Moscou), tout en expliquant aux Ukrainiens que cette adhésion n’est “pas prioritaire”. Une ligne de crête assez difficile à tenir tant ces deux considérations semblent antagonistes.  

Partisane d’une “désescalade”, voici comment elle voit les choses: “On ne peut pas empêcher un pays souverain d’aller adhérer à une alliance militaire. Donc ce n’est pas un empêchement mais c’est de dire que ça ne sera pas prioritaire et donc on apaise, premier acte. Deuxième acte, on propose. Je crois qu’il faut proposer à Vladimir Poutine (…) une vraie conférence nouvelle sur la sécurité en Europe”. Russophone, Valérie Pécresse espère à terme arriver à un “conseil de sécurité paneuropéen” qu’elle conçoit comme un” premier pas vers une forme d’autonomisation stratégique de l’UE” vis-à-vis des États-Unis. 

Jadot, Hidalgo et Taubira pour une approche européenne

Hostile à Vladimir Poutine, le candidat écologiste Yannick Jadot assume totalement la confrontation avec le chef du Kremlin. “C’est le dictateur Vladimir Poutine qui menace la démocratie en Ukraine”, a-t-il souligné sur franceinfo, estimant qu’Emmanuel Macron aurait dû aller à Kiev avant son déplacement à Moscou afin “d’afficher notre unité et notre soutien à l’Ukraine”.

Pour Yannick Jadot, la réponse doit être européenne. Il préconise de “maintenir les menaces” qui pèsent sur Moscou afin de “sanctionner l’oligarchie corrompue russe”. L’eurodéputé veut également que l’Union européenne s’oppose au “fameux pipeline de gaz, North Stream 2, qui doit contourner l’Ukraine et qui fragilise l’Ukraine dans sa situation géopolitique”. Concernant les possibles adhésions à l’Otan et à l’UE brandies par la Russie comme un chiffon rouge, Yannick Jadot estime en revanche que l’Ukraine devrait s’en tenir éloignée.   

C’est, à quelques nuances près, ce que pense la socialiste Anne Hidalgo, qui plaide également pour une réponse commune des pays membres de l’UE. “Lorsque l’on voit la situation en Ukraine, on se demande où est l’Europe. Alors que les États-Unis sont focalisés sur la Chine, et face à l’agressivité de certains dirigeants, il faut que l’Europe redevienne ou devienne une force d’influence et parle d’une même voix en se montrant plus ferme à l’encontre des dirigeants autoritaires”, estimait-elle à la mi-janvier sur France inter. Sans rentrer dans les détails, Christiane Taubira a elle aussi exprimé le souhait de voir l’UE s’exprimer fort, et d’une même voix, sur le dossier. Et surtout “en amont” de la crise.

Mélenchon, Zemmour et Le Pen conciliants envers Poutine 

Sans grande surprise au regard de leurs déclarations précédentes et de leurs conceptions géopolitiques, Jean-Luc Mélenchon, Éric Zemmour et Marine Le Pen sont beaucoup moins critiques vis-à-vis de Vladimir Poutine, jugé par les intéressés comme victime d’un “impérialisme” américain. “Les Russes mobilisent à leurs frontières? Qui ne ferait pas la même chose avec un voisin pareil, un pays lié à une puissance qui les menace continuellement? On continue les vieilles méthodes de la guerre froide. Or, la politique antirusse n’est pas dans notre intérêt, elle est dangereuse et absurde”, estimait dans Le Monde du 18 janvier, le chef de file de la France insoumise, avant d’ajouter: “le maître-mot est la désescalade”.

Le député des Bouches-du-Rhône estime par ailleurs que c’est l’Otan qui est responsable de la situation, raison pour laquelle il entend sortir de cette alliance militaire une fois au pouvoir. Une position proche de celle du communiste Fabien Roussel, qui propose d’arrêter “d’être alignés derrière la politique guerrière américaine”.

Marine Le Pen juge que la Russie est dans son bon droit. Accusant Emmanuel Macron d’être “le petit télégraphiste de l’Otan et de l’Union européenne”, la candidate RN est  partisane d’un rapprochement avec Moscou. Raison pour laquelle elle avait refusé à Madrid de signer avec ses alliés nationalistes européens le passage condamnant les actions militaires russes à la frontière ukrainienne. “Qu’on le veuille ou non, l’Ukraine appartient à la sphère d’influence russe”, expliquait elle récemment à la chaîne au média polonais Rzeczpospolita, dans un alignement total avec les propos de Vladimir Poutine sur le sujet. 

Éric Zemmour entonne le même refrain russophile. Considérant que les revendications de Vladimir Poutine sont “tout à fait légitimes”, le candidat de Reconquête! estime que l’Ukraine a toujours été “une région d’empire, que celui-ci soit russe ou autrichien”. L’ancien journaliste ne cache pas son admiration pour le chef du Kremlin, “un patriote” qui serait seulement animé par la défense des intérêts de son peuple. “Moi, si j’étais le président, je dirais: ‘Il n’y a plus de sanction vis-à-vis de la Russie’, a-t-il déclaré sur France 5. Sans surprise, il estime que l’Ukraine est infondée à demander son adhésion à l’Otan. 

Et Emmanuel Macron? 

Difficile de savoir quelle est la vision précise d’Emmanuel Macron sur le sujet, puisqu’il ne s’exprime pas en qualité de candidat, mais en tant que président de la République occupant par ailleurs le siège de président du Conseil de l’Union européenne depuis le 1er janvier. Une position autrement plus délicate que celles des candidats, accordant plus de place à la realpolitik qu’à l’idéologie, puisqu’elle lui confère une voix et une responsabilité dans ce conflit larvé. Pour autant, les orientations théoriques du chef de l’État en la matière sont connues.

Partisan d’une réponse européenne et attaché à l’intégrité territoriale de l’Ukraine, Emmanuel Macron prône pour une solution qui pourrait à la fois répondre aux inquiétudes russes, sans braquer Kiev. Le tout, en jouant les intermédiaires avec les États-Unis. Avec, pourquoi pas, une “finlandisation de l’Ukraine”, ce qui reviendrait à lui octroyer un statut de neutralité. Quoi qu’il en soit, Emmanuel Macron n’est pas de ceux qui veulent en finir avec l’Otan ni lever la pression à l’égard de la Russie.

À la fin du mois de janvier, il se disait prêt à participer au déploiement militaire de l’Alliance en Roumanie, dans le cadre d’une mission de réassurance face à la menace russe. En outre, le président est pour une défense européenne qui permettrait à terme aux membres de l’UE d’acquérir une autonomie stratégique vis-à-vis des États-Unis. 

À voir également sur Le HuffPost: “Grand remplacement”, à son meeting, Valérie Pécresse n’en est pas à sa première fois

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