En 2024, que sont devenus Loana, Jean Édouard, la piscine et le Loft ? Pour en débattre, quatre invités se joignent à la conversation. Valérie Rey-Robert, autrice et militante pour les droits des femmes. En 2022, elle a publié Télé-réalité : la fabrique du sexisme, aux éditions Les insolentes. Le 30 octobre, elle sortira, chez le même éditeur, Vulgaire : qui décide ?
Thelma Susbielle, journaliste, a focalisé son mémoire sur les représentations dans deux émissions de téléréalité récentes. Elle dirige la chaîne Twitch Personna_Litte. Nathalie Nadaud Albertini est sociologue spécialisée dans les médias. Pour finir, Paul Sanfourche, journaliste, a écrit un ouvrage sur Loana Petrucciani, Sexisme story (Seuil).
“SE SERVIR LA SOUPE”
La scène d’ouverture de la série permet de saisir immédiatement le récit à venir. Il s’agit de revisiter le Loft, vu par les producteurs. Une bonne initiative, d’après Paul Sanfourche. Cependant, il soulève un souci : la série est réalisée par les mêmes individus qui avaient produit le Loft il y a 23 ans. Cela suscite naturellement des interrogations. « Inévitablement, on ne peut pas échapper à la pensée qu’ils vont s’auto-glorifier. Et c’est effectivement le cas en visionnant la série. Les deux figures centrales de la série sont Alexia Laroche-Joubert et Stéphane Courbit, deux protagonistes qui détiennent un pouvoir médiatique immense aujourd’hui. »
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“Potentiel de femme objet”
On visionne en plateau le casting de Loana Petrucciani, tel que mis en scène dans la série. Est-ce ressemblant à ce qui s’est passé dans la réalité ? Non, selon Paul Sanfourche. Lui qui explique : “C’est encore une manière pour la production de réécrire la façon dont elle a abordé le casting de Loana. En vérité, Loana a été sélectionnée et ils ont tout de suite saisi son potentiel en tant que femme-objet. Le casteur, Benoît Chaigneau, me confiait qu’il lui avait semblé évident que le public, notamment les hommes, seraient captivés. Donc que sa présence physique allait susciter une réaction”. Il n’était donc “pas du tout épris”, comme son homologue dans la série, mais plutôt “très désireux d’exploiter son image télévisuelle”.
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“On parle de masculinité, de domination patriarcale”
À quoi ressemblait le Loft, dans son format original ? À des jeunes souvent relaxés sur des canapés, échangeant des idées. Parmi eux, Steevy, dans l’épisode 3, parle des remarques (dévalorisantes) de son père sur lui, et de son désir de ne pas perpétuer ce schéma familial. Pour Thelma Susbielle, cette séquence est “forte”, “émouvante”, et surtout “c’est le type de séquences qu’on ne rencontre plus dans la téléréalité, et ce depuis une décennie”. Elle ajoute : “On aborde des thèmes comme la masculinité, la domination patriarcale, ainsi que les violences envers les enfants. Entendre cela dans l’épisode 3, c’est très puissant”. Valérie Rey-Robert, pour sa part, propose une vision plus nuancée : “D’un côté, cette scène est émouvante, mais de l’autre, elle révèle un profond cynisme”. Elle argumente : “De nombreuses personnes ont enduré des violences sexuelles, physiques, ou des abus parentaux. Or, nous savons maintenant que les casteurs et les casteuses avaient tendance à recruter ceux qui avaient été particulièrement affectés”.