Journaliste indépendant et photographe de profession, il commence à travailler sur pas mal de commandes pour la presse et des ONG, avant de par la suite se focaliser sur des sujets plus documentaires, qui demandent de passer plus de temps sur place. « C’est un pays gigantesque, passionnant, au cœur des enjeux internationaux – climat, énergie, etc. – et avec lequel on partage une histoire commune. Bref, il y a mille raisons de s’y intéresser. »
Alors qu’il travaille sur un reportage au Katanga, une province minière du Congo, pour lequel il passe deux mois à Kolwezi, il croise plusieurs catcheurs qui défilent dans la rue. Il en fait alors une série photo, intitulée Congolese Wrestling. Le catch congolais a la particularité de mélanger la culture vaudou et le catch américain, ce qui en fait un spectacle unique. Inspirés par les shows télévisuels, les sportifs congolais ont réussi à rassembler deux milieux que tout distinguait au départ, pour créer le « catch fétiche ».
« Fétiche », parce que c’est avant tout du grand spectacle. Les fétiches sont là pour impressionner et amuser les spectateur·ices. En faisant semblant d’hypnotiser son adversaire, en faisant apparaître des objets de nulle part, un côté théâtral ressort des combats.
Quand on lui demande si le milieu du catch est un milieu facilement accessible pour un oeil extérieur, Colin explique que « c’était assez facile de trouver des catcheurs, mais ç’a pris pas mal de temps pour pouvoir photographier des compétitions, qui se déroulaient souvent la nuit, dans les quartiers reculés de la ville. » N’ayant jamais d’infos précises ni sur le lieu ni sur l’horaire, ses rencontres étaient souvent aléatoires. Selon lui, le catch congolais a connu son heure de gloire dans les années 1970, un peu comme en Belgique. Cela dit, s’il ne draine plus autant de foules aujourd’hui, il reste encore de nombreux adeptes, surtout à Kinshasa, dans certaines communes.
Parmi les grands noms de la discipline qu’il reste, une des légendes a retenu l’attention de Colin. « Le catcheur le plus renommé dans le pays c’est Edingwe, que j’ai rencontré à la fin du projet, détaille Colin. Il ne combattait pratiquement plus. Edingwe a commencé sa carrière en 1982 : il incarne l’histoire de ce sport. C’est un ancien champion national, il a marqué les esprits parce qu’il simulait du cannibalisme, en arrachant et mangeant les tripes de ses adversaires sur le ring. »
La rue n’a pas seulement permis à Colin de croiser des catcheurs, mais aussi tout un tas de personnages au symbolisme fort et aux représentations mystiques. Le projet Fulu Act, en est le résultat (« fulu » signifie déchet, poubelle en lingala). Dans les rues de Kinshasa, troisième ville la plus peuplée du continent, des artistes sensibilisent les citoyen·nes aux défis auxquels la capitale est confrontée. Dans un environnement de plus en plus dégradé, ces artistes interrogent sur la profusion de biens de consommation et de déchets, qu’ils recyclent en costumes. Réunis en collectif, ils se produisent dans la rue et dénoncent des problèmes de société : manque de soins, pollution, déforestation et surconsommation.
Ça fait maintenant plus de six ans qu’il existe des événements de la sorte, dans la rue, axés autour de la performance. Le phénomène a commencé à émerger il y a une dizaine d’années, à l’Académie des beaux-arts de Kinshasa. « En 2016, j’avais photographié une performance de Michel Ekeba, Kongo Astronauts, puis j’ai rencontré les autres performeurs, explique Colin. J’ai eu quelques moments d’échanges, mais ce sont avant tout des performances artistiques en milieu urbain. » En mêlant culture urbaine et performances, ils initient un dialogue avec les habitant·es de la ville.
C’est l’un des aspects qui constitue ces projets – les séries de Colin ainsi que les performances, mais aussi la culture du catch fétiche : des œuvres à la fois artistiquement fortes et socialement engagées.
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