MUSIQUE – De Francesca Caccini au 17e siècle à Camille Pépin au 21e: une
plateforme numérique répertorie les œuvres de plus de 700
compositrices pour faire découvrir des
artistes longtemps éclipsées.
Baptisée “
Demandez à Clara”, en référence à Clara Schumann ―brillante pianiste, compositrice et épouse du célèbre compositeur― cette base de
données gratuite a
été lancée en juin par une équipe dirigée par Claire Bodin, directrice du festival “Présences féminines”, consacré aux compositrices du passé et du présent.
“Depuis notre tendre enfance, on n’entend pas de musique de compositrices, ou si rarement qu’on n’en garde pas la mémoire”, affirme Claire Bodin à l’AFP. “À nous musiciens et musiciennes, aucun ‘matrimoine’ n’a été transmis; on a été biberonné à l’idée du génie du grand compositeur, toujours un homme, sans jamais s’interroger sur le répertoire des compositrices”.
Plus de 4600 œuvres, de 1618 à 2020
Cet outil, financé par l’action culturelle de la Sacem, a répertorié pas moins de 4662 œuvres de 770 compositrices de 60 nationalités, de 1618 à
2020. Le site prévoit d’ajouter 4000 œuvres supplémentaires à l’automne, dont celles de Hildegarde de Bingen (1098-1179), sainte de l’
Église catholique et l’une des premières compositrices connues.
La
recherche se fait par
nom, titre, instrument,
pays ou époque. Parmi les plus anciennes, les Italiennes Francesca Caccini ―qui serait la première
femme à avoir composé un
opéra―, Isabella Leonarda et Barbara Strozzi, l’une des première compositrices professionnelles, encore la Française Elisabeth Jacquet de la
Guerre.
Et la plateforme compte beaucoup de compositrices issues de pays anglo-saxons, “beaucoup plus avancés dans ce domaine”, précise Claire Bodin. Un travail de recherche de longue haleine qui a commencé dès 2006 et qui n’est pas lancé “parce que c’est un sujet à la mode”.
Pas “réécrire l’Histoire”, mais “enrichir le répertoire”
“Ce n’est pas une question de réécrire l’Histoire
mais d’enrichir le répertoire”, explique Claire Bodin. “Il ne faut pas simplement les programmer parce que ce sont des
femmes et pour se donner bonne conscience,
mais parce qu’il y a un réel intérêt artistique”.
Pour cette claveciniste qui a mis de côté sa
carrière pour se consacrer à ces projets, la non programmation des compositrices reste un frein majeur à la diffusion de leurs œuvres.
Depuis une dizaine d’années, elle donne régulièrement des conférences sur le sujet et rares parmi le public sont ceux qui peuvent donner des noms au-delà du “top 5” des compositrices, comme Clara Schumann, Fanny Mendelssohn, Lili Boulanger ou les contemporaines Betsy Jolas et Kaija Saariaho.
“Pour les salles de concert, il y a la contrainte de remplissage” qui repose généralement sur les grands noms comme Beethoven, Mozart, Tchaïkovski, Brahms ou Bach. “On ne voit que le haut de l’iceberg, car même chez les hommes il y un tas de compositeurs qui méritent d’être mis en avant”, rappelle Claire Bodin.
“Il faut que tout le monde se mette à programmer des compositrices car les artistes invités, s’ils ne sont pas assurés que d’autres salles le font, vont hésiter à jouer ces partitions”.
Les présupposés “commencent à tomber”
Prévu en
mars, le festival “Présences féminines” a
été reporté en octobre (du 12 au 20). Depuis sa création, sept œuvres de compositrices ont
été commandées, dont une par la jeune Camille Pépin (29 ans), devenue cette année la première compositrice primée aux “Victoires de la
musique classique”.
Pour
son édition 2021, le festival a lancé un appel à projets pour la création d’un conte musical à l’intention des
jeunes. Cécile Buchet l’a emporté sur 15 compositrices.
Pour Claire Bodin, la valorisation des compositrices doit également être menée au niveau des conservatoires.
Interviewée par l’AFP en 2019, Camille Pépin avait indiqué qu’elle était la seule fille aux cours de composition au Conservatoire de Paris. “Mais aujourd’hui les professeurs que je rencontre et les jeunes musiciens veulent que ça bouge; il y a des présupposés qui ont la dent dure mais qui commencent à tomber”.
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