On l’attendait, l’agence de notation Standard & Poor’s l’a fait : la note de la dette publique française a encore perdu un cran, passant de AA à AA-. L’agence n’apprécie pas le niveau élevé de notre dette publique et le fait que, selon ses projections, elle devrait passer de 109 % du produit intérieur brut (PIB) en 2023 à 112,1 % en 2027.

Le ministre des Finances, Bruno Le Maire, a eu raison de signaler immédiatement dans un entretien au Parisien qu’il n’y a pas pour autant panique en la demeure, « c’est comme si nous étions passés de 18 à 17 sur 20 ».

De fait, la baisse de notre note, censée refléter une moindre capacité future de la France à rembourser sa dette, signale juste que, à ce stade, cette capacité est amoindrie mais pas remise en cause. C’est pourquoi les créanciers internationaux se moquent de ce genre de note pour un pays comme la France qui, depuis la fin du XVIIIe siècle, a toujours remboursé sa dette rubis sur l’ongle.

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Par contre, Bruno Le Maire se fourvoie lorsqu’il ajoute que, « en réalité, la raison principale de cette dégradation est que nous avons sauvé l’économie française ». En clair : notre dette a progressé et se situe à un niveau élevé parce que le gouvernement a dépensé sans compter pour nous sauver de la crise du Covid et des effets de l’invasion russe en Ukraine.

Ces crises ont bien entendu leur part, mais elle ne saurait justifier entièrement la montée de notre dette. Les économistes de l’OFCE viennent justement de le démontrer, chiffres à l’appui : depuis 2020, et même depuis la crise financière de 2007-2008 et celle de la zone euro qui a suivi, les crises expliquent la moitié de la progression de la dette.

Et il n’y a pas de secret quant à l’autre explication principale de la dégradation de nos comptes publics : depuis leur arrivée au pouvoir en 2017, Emmanuel Macron et Bruno Le Maire ont jeté environ 60 milliards de recettes fiscales par la fenêtre.

Ainsi, Standard & Poor’s prévoit un déficit budgétaire toujours élevé pour les années qui viennent : 4,6 % du PIB en moyenne sur la période 2024-2026 et 3,5 % en 2027, au-dessus des 3 % visés par le gouvernement. Avec comme résultat que la dette progresse.

Le plus inquiétant dans la dégradation de la note française tient aux raisons avancées par l’agence de notation qui devraient inciter le gouvernement à réfléchir sérieusement au problème.

D’abord, la charge de la dette passerait selon S&P de 3,3 % des recettes fiscales à 5 % en 2027, seuil qui fait réagir les agences. Ses experts ne précisent pas sur la base de quelles hypothèses de taux d’emprunt pour la France sont basées ces projections.

Néanmoins, il est à peu près certain que la charge va monter, même si elle ne deviendra pas explosive. S&P fonde par exemple ses calculs sur la maturité moyenne de 8,5 ans de la dette publique française. Or, depuis 2017, l’Agence France Trésor, qui gère la dette, a fait passer la maturité de ces dernières années à 11,7 ans. L’impact des taux d’intérêt élevés mettra encore plus de temps à se faire sentir que ne le prévoit l’agence de notation.

En se refusant, par pure idéologie poujadiste, à toute hausse d’impôt, ce gouvernement nous envoie dans le mur

Ensuite, la France restera dans une situation de potentiel de croissance assez faible. Près de 30 ans de politique économique libérale ont réduit notre efficacité économique, aujourd’hui plus dégradée qu’hier, c’est l’échec patent de la politique de l’offre, des baisses d’impôts et subventions massives des entreprises françaises qui préfèrent le dopage fiscal au travail d’innovation.

Enfin, S&P s’inquiète de l’incapacité du gouvernement à faire accepter ses réformes en période de majorité relative. Les experts à l’esprit mécanique de l’agence se réjouissent tout de même de la réforme des retraites et de celles de l’assurance chômage : moins de dépenses, bien, plus de dépenses, pas bien. Pour autant, cette incapacité du pouvoir à forger des compromis politiques et l’autoritarisme du Président font bien partie des problèmes de la France aujourd’hui.

« Il n’y aura pas d’impact sur le quotidien des Français » a assuré Bruno Le Maire. Bien sûr que si ! Il y aura un impact et il est même déjà présent, entre les gens qui doivent attendre plus longtemps pour pouvoir partir en retraite et les 230 000 personnes qui vont se voir privées d’allocation-chômage avec la réforme annoncée.

Le gouvernement se fait fort de ramener le déficit budgétaire sous les 3 % du PIB en 2027 en taillant dans les dépenses ? S&P dit tout haut ce que tous les économistes pensent tout haut : c’est impossible à faire, il y aurait trop à couper et l’impact récessif sur l’économie et l’emploi serait trop fort. En se refusant, par pure idéologie poujadiste, à toute hausse d’impôt, ce gouvernement nous envoie dans le mur. Le pire, c’est qu’il le revendique !

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