Selon le quotidien, l’actuel juge d’instruction à Nanterre faisait partie des candidats pour remplacer Marc Sommerer comme premier vice-président chargé de l’instruction au tribunal de Paris, et le directeur des services judiciaires de la Chancellerie “avait (…) décidé de proposer Serge Tournaire” à ce poste.
Dans la liste de nominations de près d’un millier de magistrats (appelée “transparence”) publiée le 18 février, ce poste n’y figurait toutefois pas. Surprenant, alors que ce poste est particulièrement exposé et stratégique. En fait, selon Le Monde, “quelques heures avant la publication de la transparence, le nom de Serge Tournaire a été biffé”.
Une nomination qui “aurait pu fâcher Nicolas Sarkozy”
Un magistrat ayant travaillé avec Éric Dupond-Moretti au ministère a affirmé au journal que le nom du juge avait été rayé parce que “nommer Serge Tournaire aurait pu fâcher Nicolas Sarkozy”, alors que ce dernier “semble hésiter entre un soutien à Valérie Pécresse ou à Emmanuel Macron” à la présidentielle.
En poste au pôle financier à Paris entre 2009 et 2019, Serge Tournaire avait notamment instruit l’affaire Bygmalion (dans lequel Nicolas Sarkozy a été condamné à un an de prison ferme, il a fait appel), ou l’affaire Fillon, qui a valu à l’ancien président de la République une condamnation à un an de prison ferme, dont il a fait appel.
Selon Le Monde, “deux autres magistrats du siège (…) auraient été également retirés de la liste à la demande de M. Dupond-Moretti” alors que “plusieurs présidents de cour d’appel (…) avaient obtenu 48 heures avant (…) la confirmation, par la direction des services judiciaires, de nominations qui se sont volatilisées ensuite”.
Sollicité, l’entourage du garde des Sceaux a indiqué qu’il ne faisait “pas de commentaires sur les situations individuelles des magistrats” et a invité à ne “pas faire de procès d’intention sur la transparence à venir”, un nouveau train d’une quarantaine de nominations étant prévu d’ici quelques semaines. C’est-à-dire après la présidentielle, où la course aux soutiens sera terminée. Contactés par l’AFP, Serge Tournaire et le CSM ont indiqué ne pas souhaiter faire de commentaire.
Une atteinte à l’“indépendance” de la justice
Pour les postes de magistrat du “siège”, statutairement indépendants, le garde des Sceaux dispose d’un pouvoir de proposition. Le candidat choisi fait ensuite l’objet d’un avis “conforme” ou “non conforme” du Conseil supérieur de la magistrature (CSM).
Seuls les postes les plus en vue (chefs de juridiction, chefs de cour et magistrats de la cour de cassation) font exception: dans ce cas, le CSM choisit un candidat, “proposé” au président de la République.
Pour l’Union syndicale des magistrats (USM), “cette intervention politique sur des nominations de juges démontre que le pouvoir de proposition pour les mutations de magistrats devrait être transféré au CSM et non laissé entre les mains du gouvernement”.
“L’indépendance de l’autorité judiciaire et de ses acteurs ne devrait-elle pas commencer au stade des nominations ?”, ajoute sur Twitter le syndicat majoritaire dans la profession.
Cette intervention politique sur des nominations de juges démontre que le pouvoir de proposition pour les mutations de magistrats devrait être transféré au @CSMagistrature et non laissé entre les mains du gouvernement. #Représailles#USMagistrats
— Union syndicale des magistrats USM (@USM_magistrats) March 24, 2022
Le juge des affaires Bygmalion, Fillon, sondages de l’Elysée rayé de la liste par le Garde des Sceaux. Rien que ça ! Le quinquennat s’achève dans les turpitudes.
De l’urgence de garantir l’indépendance de la justice ⚖️ #Jadot2022https://t.co/9UFMkdEJpB— Delphine Batho (@delphinebatho) March 24, 2022
Côté politique, la députée EELV Delphine Batho a dénoncé un quinquennat qui “s’achève dans les turpitudes. De l’urgence de garantir l’indépendance de la justice”. Même indignation pour l’Insoumis Ugo Bernalicis qui parle d’un “scandale” et demande aussi plus d’indépendance de la justice.
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