Soupçonné d’avoir profité de sa fonction pour régler des comptes avec des magistrats avec lesquels il avait eu maille à partir quand il était avocat dans deux dossiers, le ministre de la Justice est arrivé à la CJR à 9h et en est reparti quarante minutes plus tard, en refusant de répondre à la presse.
“Posez les questions si vous le voulez à mes avocats, ils vous répondront”, a simplement déclaré le ministre. Présents à ses côtés, ses avocats, Me Christophe Ingrain et Rémi Lorrain, n’ont pas souhaité faire de déclarations.
“Salir la réputation d’un ancien avocat”
Lors d’une première audition sur le fond le 3 mars, qui avait également duré moins d’une heure, Eric Dupond-Moretti avait refusé de répondre aux questions des magistrats de la commission d’instruction de la CJR.
La CJR est la seule juridiction habilitée à poursuivre et juger des ministres pour des infractions commises dans l’exercice de leurs fonctions.
Devant ces magistrats, le garde des Sceaux avait lu une déclaration, dont l’AFP avait obtenu copie, dans laquelle il justifiait son choix.
“Tout, dans la conduite de votre information, démontre en effet votre détermination non pas à faire la vérité sur des allégations que vous avez d’emblée tenues pour acquises, mais à salir la réputation d’un ancien avocat dont vous alimentez le seul procès qui vous intéresse, celui de son illégitimité à occuper les fonctions de garde des Sceaux”, justifiait-il.
Chantal Arens, la présidente de la Cour de cassation, avait “regretté fortement” ces propos et avait ensuite “rappelé” le garde des Sceaux à son rôle de “garant de l’indépendance de la justice”.
Mis en examen pour prise illégale d’intérêts
Eric Dupond-Moretti avait déjà été entendu le 16 juillet 2021 pendant près de six heures par les trois juges de la commission d’instruction de la CJR, qui l’avaient mis en examen pour “prise illégale d’intérêts”, une première pour un garde des Sceaux en exercice.
Eric Dupond-Moretti, nommé ministre de la Justice en juillet 2020, était visé par des plaintes de syndicats de magistrats et de l’association anticorruption Anticor, dénonçant deux situations de conflits d’intérêts depuis son arrivée à la Chancellerie. La CJR a ouvert une information judiciaire en janvier 2021.
Le premier dossier concerne l’enquête administrative qu’il a ordonnée en septembre 2020 contre trois magistrats du parquet national financier (PNF) qui avaient fait éplucher ses factures téléphoniques détaillées (“fadettes”) quand il était encore une star des prétoires. C’est sur ce dossier qu’il aurait dû être interrogé le 3 mars, selon une source proche du dossier.
Dans l’autre, il lui est reproché d’avoir diligenté des poursuites administratives contre un ancien juge d’instruction détaché à Monaco, Edouard Levrault, qui avait mis en examen un de ses ex-clients et dont il avait critiqué les méthodes de “cow-boy”. C’était l’objet de l’audition de mardi, selon la même source proche.
Eric Dupond-Moretti a toujours martelé qu’il n’avait fait que “suivre les recommandations” de son administration
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