L’intérêt des lecteurs pour ce dernier, non plus. Loin de là. Même si l’actualité liée au Covid-19 continue de nous tenir en haleine au quotidien, les coups de gueule, les polémiques et les gossips émanant des célébrités ont toujours le vent en poupe.
Au HuffPost, notre article concernant les excuses de la star de télé-réalité Kim Glow, menacée de mort pour ses propos sur les smicards, a été lu plus de 600.000 fois. C’est à peu de choses près le nombre de consultations qu’a connu notre papier sur les modalités pour changer de lieu en période de confinement.
De son côté, l’avis du Conseil scientifique, au mois de novembre dernier, sur les possibles “vagues successives” à venir a été visité autant de fois que les rumeurs qui ont entouré la naissance de l’enfant de la mannequin Gigi Hadid et son partenaire, le chanteur Zayn Malik.
La nature humaine
Le phénomène peut surprendre. Pourtant, épidémie ou non, “c’est dans la nature humaine de s’intéresser aux autres”, nous indique Anne Sweet, docteure à l’Université Sorbonne Nouvelle et spécialiste de l’interaction entre un produit médiatique et le consommateur. “Dès notre plus jeune âge, on nous apprend à créer des liens sociaux. On essaye de comprendre ce que font les autres pour mieux vivre avec eux.”
Le travail en entreprise n’y échappe pas. Qui a eu une augmentation? Qui a encore laissé sa tasse à café sale dans l’évier? Pourquoi la photocopieuse est-elle en panne? “Ces ragots font partie de notre quotidien et de notre façon d’appréhender le monde”, indique la chercheuse. Ces éléments, l’épidémie et l’isolement nous les ont confisqués. Ils nous manquent. Les échanges par écrans interposés ne font pas tout. Même s’il est émotionnel ou psychologique, notre rapport aux people offre un complément, appuie Anne Sweet.
Leurs récits, comme les commérages de l’époque, font jaser. Ces discussions sont loin d’être anodines. Dans une interview accordée au magazine The Cut, la journaliste canadienne Elaine Lui est revenue sur les ragots qui ont accompagné les photos montrant Ben Affleck et Ana de Armas main dans la main, couple dont l’officialisation s’est faite au printemps dernier, en plein confinement.
“D’après moi, les conversations qu’on a eues à ce sujet portaient en réalité sur l’idée de se mettre en quarantaine avec quelqu’un dont nous ne sommes pas encore amoureux. En soi, sur les relations humaines et sur le choix de la personne avec qui vous voulez passer votre temps”, estime la créatrice du site Elaine Gossip.
Elle poursuit: “L’analyse que vous faites de Ben et Ana en dit long sur vous, sur ce que vous recherchez chez un compagnon, si vous avez besoin de compagnie et comment vous voulez passer votre temps. Ce sont des indices précieux qui permettent de mieux vous comprendre en tant que personne. […] Nos conversations sur les célébrités sont toujours le reflet de nos valeurs et de qui nous sommes à un moment donné.”
Des débats transposés
Un point de vue partagé par Anne Sweet, pour qui notre intérêt pour la presse à scandales n’est pas si éloigné de celui qu’avaient les populations pour la mythologie grecque à l’époque ancienne. Selon elle, ces récits “nous donnent l’impression de tirer des leçons de vie des histoires des autres”. Ils transposent des débats moraux dans nos quotidiens.
En cette période anxiogène et morose, les images d’un tel en train de faire du shopping, son footing ou de boire un café en terrasse, les lunettes de soleil sur le nez, offrent une porte de sortie certaine et une dose de réconfort. Les people exprimant leurs difficultés à remonter la pente ou garder le moral, aussi. Les images de Camille Cabello et Shawn Mendes, se promenant dans une rue déserte au mois d’avril, la mine maussade, sont parlantes. “Je ne suis pas seul à vivre cette situation”, se dit-on.
″Ça va dans les deux sens”, nous explique Anne Sweet. À l’instar de Meghan Markle et Chrissy Teigen, qui ont ouvertement parlé des fausses couches qu’elles ont subies cette année, certaines personnalités médiatiques utilisent leur influence pour partager leur expérience, sensibiliser l’opinion publique et ainsi alléger la souffrance de certaines personnes par ce phénomène d’identification, d’après la chercheuse.
La distance se rétrécit
De manière propice à la réception de ces discours, la distance qui nous sépare des people semble s’être rétrécie cette année, constate Elaine Lui. En l’absence de tapis rouge et d’événements mondains, auxquels nous ne pouvons pas assister en temps normal, “leurs expériences se sont limitées à ce qu’ils peuvent faire chez eux”, note la journaliste. Comme nous, ils ont partagé leurs états d’âme sur les mêmes réseaux sociaux que nous utilisons, à savoir Instagram, Twitter ou TikTok.
Comme beaucoup des utilisateurs, les célébrités se servent de ces plateformes pour sentir qu’elles comptent et se faire entendre. Mais voilà, “les messages qu’elles font passer ne sont pas forcément bons pour la société”, rappelle Anne Sweet. Les théories du complot sur Bill Gates et la 5G relayées par Juliette Binoche peuvent en témoigner. Celles sur l’existence d’un vaccin gardé secret partagées par Madonna, aussi.
Dans les deux cas, les messages ont été partagés des centaines de milliers de fois, commentés par des milliers d’utilisateurs. Critiqués par certains, ils ont aussi été salués par d’autres. La presse, elle, a sauté sur l’occasion pour les débuncker et les contextualiser. Le monde des people n’a pas fini de nous animer. Que nous réserve-t-il en 2021?
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