PSYCHO – Et voilà ! Le jour J est enfin arrivé. C’est le marathon de Paris. Après un an et demi d’incertitudes, nous y voilà. Quand ils ont annoncé le report puis l’annulation du marathon, j’étais très en colère. Je m’étais entrainé dur, comme tout le monde et ils me coupaient les ailes, m’empêchant d’avancer.

Seule avec deux jeunes enfants, l’année 2020 a été particulière. J’ai d’abord essayé de garder un certain rythme d’activité physique: corde à sauter, course dans le jardin, minifooting avec mon fils me suivant à vélo et sa sœur dans la poussette… Mais il s’est vite avéré que c’était impossible de maintenir un pseudo entrainement comme cela. J’ai donc abdiqué en me disant que je pourrais reprendre après.

Entraînements difficiles et doutes

Puis j’ai travaillé et là encore le rythme était impossible entre le boulot, la maison, les enfants, les cours (Eh oui je suis prof). J’ai ainsi essayé de maintenir une certaine forme en marchant le plus possible et courir un minimum dès que le pouvais.

«À chaque sortie longue, pourtant je doute: serai-je capable de tenir 42 kilomètres?»

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Septembre 2021. Il faut vraiment que je m’y mette. Je n’ai pas le choix si je veux pouvoir le terminer sans me faire mal. C’est parti pour un entrainement express. J’ai exactement 6 semaines et demie pour me préparer. Je me prépare un planning fait maison, en m’inspirant de ce que j’avais fait lors de ma première préparation. Mon corps va souffrir. Chaque semaine, je lui mets 30 min de plus pour les séances longues. Le corps réagit bien, pas de douleurs, pas de fatigue. Je carbure aux bouts de bananes. Et ça marche. J’arrive à faire des sorties longues de deux heures et deux heures trente sans trop de difficultés.

À chaque sortie longue, pourtant je doute: serai-je capable de tenir 42 kilomètres? Mon entrainement n’est-il pas trop court? Le corps va-t-il supporter tous ces chocs. Puis je pense à lui, à mon mari qui est parti trop vite. Lui qui a lutté quatre ans sans se plaindre. Qui y est allé par étape. Je m’imagine aussi passer la ligne d’arrivée sous les applaudissements de mes enfants…. Alors je fonce et je me dis que c’est possible, je vais y arriver. Il faut que j’y arrive.

Sur la ligne de départ, l’intuition

Le jour J, je m’avance sur la ligne sous les encouragements de mes enfants et de mon frère. Je suis un peu stress et je ne me sens pas prête. Ma montre ne veut pas fonctionner. Tant pis j’irai à l’intuition. Je marche aussi beaucoup comme ça, selon ce que je ressens. Les premiers kilomètres se déroulent bien. Il y a beaucoup de monde, de la musique, une bonne ambiance et je m’autorise même à parler avec d’autres coureurs. J’ai trouvé mon rythme.

Bois de Vincennes, tout va toujours bien. J’avance et c’est le principal. Chaque kilomètre couru est une petite victoire pour moi. Au kilomètre 21, ça se complique. J’ai le pied gauche qui chauffe et mal en dessous de la cheville droite. Je ralentis l’allure et essaye de faire abstraction de la douleur. J’arrive à continuer sans trop de gène.

Les quais de Seine avec les pavés puis es tunnels sont durs. On est au vingt-cinquième kilomètre et beaucoup de gens marchent déjà. Je regarde devant et je me raccroche à ceux qui courent. J’avance. Je suis encore là. Au trentième, c’est très dur, mais mes jambes me portent. Je suis en mode automatique. Je me pose la question de comment je fais pour courir et surtout pour respirer. Je ne suis plus moi. J’ai l’impression d’être étrangère à mon corps, de ne plus le maitriser. C’est très étrange comme sensation.

J’arrive à monter la côte des kilomètres 33 à 35. Je vais y arriver. Quelques kilomètres encore et se sera fini. J’ai très envie de dormir, je suis très fatiguée. J’aimerais fermer les yeux. Mais, non, après, pour le moment il faut continuer.

Puis au kilomètre 37, il n’avait plus d’énergie. Impossible de continuer. Ce n’est pas grave, je marche, je récupère. Un kilomètre, je commence à me sentir mieux, deux kilomètres, j’accélère petit à petit en marchant. Tiens, le ravitaillement, le dernier. Je vais me faire plaisir. Je prends un bout de marbré et je le savoure, je le déguste. Jamais cela ne m’avait paru aussi bon de prendre un bout de gâteau.

L’adrénaline pour la fin

Kilomètre 40: il y a un groupe de musique. On nous encourage, il ne reste pas beaucoup. On revient dans Paris, on entend la musique, les commentaires faits par l’animateur de la course. Alors je me sens gonflée à bloc. Me voilà repartie pour terminer la course en courant. 41, ah oui, c’est plus rapide en courant qu’en marchant, effectivement.

Puis 500, mètres, 200 mètres… Les gens tapent sur les barrières, comme au Tour de France. Ça fait un bruit énorme, l’adrénaline remonte en flèche. Je la vois, je vois la ligne d’arrivée !!! Il y a tellement de monde. Je cherche des yeux mon frère, mes enfants.

«Alors je réalise ce que j’ai fait. Je me mets à pleurer. De fatigue, de nervosité, de joie, de tristesse. C’est un pêle-mêle de sentiments qui m’envahit.»

Je les aperçois avec d’autres membres de ma famille. Je suis tellement heureuse. Il n’y a pas de mots pour décrire ce sentiment. Je leur envoie plein de bisous avant de passer sous l’arche d’arrivée.

Je récupère un peu et je me dirige vers la sortie. Alors je réalise ce que j’ai fait. Je me mets à pleurer. De fatigue, de nervosité, de joie, de tristesse. C’est un pêle-mêle de sentiments qui m’envahit.

Je suis marathonienne et mes enfants ont une supermaman qui a tout donné tout comme leur papa qui n’a jamais, jamais, jamais abandonné sa lutte. Il y a eu des moments ou il a dû marcher pour mieux recourir ensuite avant d’être stoppé définitivement. Sa ligne d’arrivée était différente de la mienne, mais mes enfants sauront qu’avec de la volonté, de l’abnégation, du courage et de l’humilité, on peut déplacer des montagnes.

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