- 20 ans de maltraitance éducative. Aujourd’hui, je serais diagnostiquée HPI et misophone (deux syndromes d’hypersensibilité, très souvent liés). À l’époque, c’était juste l’occasion de prendre des baffes;
- 20 ans d’épuisement professionnel, matrimonial et parental, heureusement plutôt réussi;
- 10 ans d’épanouissement professionnel sans contraintes extérieures excessives: yes!
À 60 ans, épuisée, j’ignore qu’il y aura une onzième petite-fille, mais je décide de prendre ma retraite définitive de tout. J’ai résisté comme j’ai pu, au rythme d’une naissance par an, mais j’ai renoncé à des projets trop chronophages; en free-lance, ça ne pardonne pas. Les commandes baissent, disparaissent. Ma carrière est terminée, et depuis que je suis toute petite, le travail, la concentration, la satisfaction de créer, sont ma seule façon d’échapper aux bruits des autres, à ma misophonie donc. À présent, je n’entends plus qu’eux et je n’aspire qu’au repos définitif… Mon projet échoue à cause d’une fête d’anniversaire surprise. À quoi tient la vie?…
Mon hyperacousie empire avec le stress et la fatigue, mais surtout parce que je ne peux plus fuir dans le travail. J’essaie depuis tant d’années de cacher cette infirmité qui me pourrit la vie au quotidien, que ça consomme beaucoup de l’énergie qui me reste. Quand elles surviennent, mes pertes de contrôle passent évidemment pour de l’hystérie féminine. Mais la maladie (ou syndrome, en tout cas inguérissable) est à présent nommée, diagnostiquée et bien documentée. Je contourne, je masque, je fuis; quand je peux.
Un burn out grand-maternel
Vous avez envie de raconter votre histoire? Un événement de votre vie vous a fait voir les choses différemment? Vous voulez briser un tabou? Vous pouvez envoyer votre témoignage à temoignage@huffingtonpost.fr et consulter tous les témoignages que nous avons publiés.
Ces 15 années de grand-maternité corvéable a merci, que je n’ai pas choisies, où je dois m’adapter en continu aux changements de plans de nos enfants, provoquent une telle tension que tête finit par imploser: je termine les” vacances” d’été par un AVC heureusement bénin, Noël vire à la sciatique paralysante, etc. Aucun(e) de mes proches ne voit le moindre rapport entre ces non-événements et la charge qui pèse sur moi. Une femme aime forcément garder des enfants, les bercer, les changer, leur couper la viande, se lever la nuit. Surtout quand il s’agit de la chair de sa chair (et qu’ils sont craquants).
Éducation féministe pour nos filles
Mon mari prend sa retraite. Son aide auprès des petits-enfants est un soulagement, d’autant qu’ils grandissent et qu’il adore son rôle de patriarche (mais je me coltine quand même deux repas par jour pour 14— végan-anorexique-sans gluten-etc- les devoirs de vacances, les sports, le piano (faudrait pas qu’en plus ils perdent leur temps!).
En principe, une belle et longue retraite partagée nous attend. Sauf qu’il reprend illico des responsabilités bénévoles et bien sûr vitales pour la collectivité, jusqu’au jour où son corps de 72 ans, à son tour, dit stop.
J’ai aujourd’hui 68 ans bien sonnés, mes enfants n’ont plus besoin qu’on garde leurs loupiots (donc disparaissent totalement des radars), mes petits-enfants commencent leur vie d’adulte -menacée par les dégâts imputés à notre génération, celle des chanceux, des “toujours plus” -, donc ils disparaissent aussi des radars, et dans leur cas c’est normal. La génération tik tok a oublié qu’avant, le téléphone servait à téléphoner.
Commence alors la dernière partie de ma vie: garde-malade d’un mari aimé depuis presque 50 ans, lucky me, qui a gentiment attendu pour compter sur moi que les autres aient cessé d’exiger leur dû. Je sais, parfois c’est inversé. Mais je ne me fais pas d’illusion: les soins aux enfants, aux vieillards et aux malades sont à 90 % exercés par des femmes.