Quand on est un jeune diplômé et qu’on a été un élève modèle, on pense sans cesse à l’indépendance, à s’épanouir socialement et professionnellement. Je n’aurais jamais envisagé un tel fracas après des études réussies avec brio, et une vie sociale plus que remplie.
D’octobre 2020 à février 2021, l’année se révèle assez productive et heureuse. Après un diplôme en arts appliqués, je me lance en autoentrepreneur, en sachant que cette année sera compliquée pour rentrer dans le sacro-saint salariat. J’en profite pour découvrir de nouveaux métiers: illustrateur, artiste peintre, art-thérapeute en institution psychiatrique, tout en gardant un job de baby-sitter pour arrondir les fins de mois.
Je perds mon travail
En parallèle, la personne que je date depuis quelques mois part dans le sud pour un service civique. La relation à distance s’essouffle avec les interdictions de circuler. Avec du recul, je réalise que j’ai certainement perdu l’une de mes plus belles relations à cause du virus.
Tout se met à tourner
Mais c’est un échec et je m’essouffle dans cette spirale infernale. Je glisse alors vers un état inconnu et étrange où tout devient terne. Je perds pied avec la réalité. Je me réfugie dans le noir car les journées se ralentissent et je dors pour les raccourcir. Je dors aussi pour ne pas être tourmenté, et pour fermer les yeux sur mon quotidien morne.
Je sombre dans la dépression
Je prends un rendez-vous en mai 2021 chez un psychiatre qui pose un nom sur ce fracas : la dépression. Il me prescrit le premier médicament qu’il a sous le bras, sans me connaître. Aux yeux du monde et de moi-même, je deviens un déchet, une loque, une merde. Je n’arrive à rien faire, tout s’écroule, et j’ai honte, car je la connais, la réputation de la dépression. Et ça ne m’aide pas à m’en sortir.
En juin 2021 : sieste de trop, pensées trop noires. Clap. Deux heures plus tard : j’atterris aux urgences psychiatriques. Deux semaines d’internement, beaucoup trop de médicaments, de nombreux examens pour checker mon cerveau, rencontrer ma famille, raconter sans fin ce qu’il s’est passé. Pendant mon hospitalisation, les mesures sanitaires s’assouplissent et mes amis en profitent pour me rendre visite.
Prozac, escitalopram, trazodone, Xanax. Mes amis se trimballent aussi une sacrée pharmacie. Et c’est enfin là qu’on prend conscience de l’importance de notre santé mentale. On se dit ensemble qu’on n’a peut-être pas eu ce qu’on attendait de la vie, qu’on sent un peu notre jeunesse gâchée, qu’on a l’impression d’être dans une impasse mais qu’il faut dorloter notre psyché et l’écouter un peu plus.
Face à une nouvelle vague
Maintenant, si on me demande de penser à l’avenir, j’ai beaucoup plus de mal à me projeter. J’ai l’impression d’être moins idéaliste, moins ambitieux et moins déterminé. Peut-être que c’est à cause des médicaments et de la dépression, du contexte actuel ou de moi-même. La seule chose dont je suis certain, c’est qu’il faut du temps et que l’on se doit d’être indulgent avec soi-même.
J’essaie de faire en sorte que les choses rentrent dans l’ordre. Je travaille pour m’occuper, sans forcément gagner de l’argent… et je vois tranquillement une nouvelle vague qui arrive, sans savoir à quoi m’attendre de nouveau.