Il vient d’accompagner plus de soixante-dix députés insoumis à leur rentrée parlementaire, lui qui a refusé de se représenter. Le vieux loup de la politique peut se détendre, devant une bière d’abbaye. ”J’éprouve une fierté à éclater le cœur. J’ai fait le boulot”, confie l’ancien socialiste. S’il a réussi cet exploit de passer de 17 députés à soixante-quinze, c’est grâce à l’accord scellé quelques semaines plus tôt, au début du mois de mai.
La Nouvelle Union populaire écologique et sociale, née en treize jours et treize nuits comprenait le Parti socialiste. Un fait politique majeur, après tant d’années de haines et d’ignorance entre la formation de Mélenchon, lui-même issu de ses rangs et le parti à la rose, mis de côté par les Insoumis après les années Hollande. Le tout s’est noué à la fin du mois d’avril, dans un “rade” près de la gare de l’Est à Paris.
On n’est pas des perdreaux de l’année. Il y avait de la méfiance réciproque, des intérêts communs et distincts.Olivier Faure, premier secrétaire du PS
Les deux hommes se retrouvent en tête à tête pour déjeuner dans un “boui boui” de la gare de l’Est, selon le terme du premier secrétaire. ”On s’était déployés sur un front qui fait qu’on ne pouvait pas être isolés. Cela n’aurait pas été responsable de ma part de ne pas voir le gars”, explique Mélenchon en refaisant le film.
D’abord, ils s’épient. “On n’est pas des perdreaux de l’année. Il y avait forcément de la méfiance réciproque, des intérêts communs et distincts”, analyse Olivier Faure. “Je l’ai regardé en me disant ‘j’ai toujours été berné, mais là, il est comme moi: il n’a pas le choix. C’était très risqué pour nous deux, mais plus encore pour lui”, condense Mélenchon. “Il me teste, il cherche à comprendre, à savoir où je vais”, relate Faure qui dit l’avoir alors convaincu qu’il y a “un truc à jouer ensemble”. “De temps en temps il m’a fait des remarques sur ma manière de parler, mais au cours de cette longue discussion, même si on n’a pas les mêmes codes, il s’est montré extrêmement ouvert sur la méthode”, conclut Mélenchon.
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La conversation s’éternise pour durer jusqu’au milieu de l’après-midi. “On a refait ensemble l’histoire de la gauche. Sans remonter jusqu’à Jaurès, on a cherché à comprendre les crises qu’on avait subies, comment il fallait retrouver le peuple français dans sa diversité. C’était passionnant comme échange”, confesse Olivier Faure.
Olivier Faure s’est comporté comme un leader. Il savait où il allait.Jean-Luc Mélenchon, chef de file de La France Insoumise.
L’insoumis voulait s’assurer que le socialiste était “prêt à rompre” avec le PS d’avant et qu’il ’n’allait pas lui “casser les pieds avec des histoires d’équilibres internes”. Faure lui apporte ces garanties. “Il s’est comporté comme un leader”, loue Jean-Luc Mélenchon, “Il savait où il allait”. “C’est difficile à rationaliser, c’est instinctif. Est-ce qu’on sent la sincérité de chacun?”, rapporte le patron du PS. La confiance est restaurée.
Faure est persuadé que Mélenchon voulait “boucler une boucle avec un parti qu’il a aimé”, le PS, dont il a été membre pendant trente ans. “Ce qu’on a en commun c’est qu’on est l’un et l’autre des militants avant d’être aspirants à une fonction. Pour nous, l’idéologie, l’action militante, l’orientation politique a autant d’importance que la conquête du pouvoir”, observe le socialiste dans son bureau de premier secrétaire, le 13 juin.
SAMEER AL-DOUMY via Getty Images
Jusqu’au lendemain soir du premier tour des élections législatives où Mélenchon interrompt une interview du premier secrétaire par un “coucou Olivier!” très remarqué. Il le prend par l’épaule et lui présente ses troupes. Comme un passage de relais…
Au risque de créer des jalousies chez les insoumis? En privé, certains socialistes observent qu’Olivier Faure est parfois gêné par tous ces compliments et s’inquiètent de possibles agacements de la part des fidèles lieutenants insoumis.
Il n’y a pas de chouchous. Olivier Faure est un partenaire loyal.Manuel Bompard, député insoumis
En public, pas du tout. “On l’aime beaucoup, c’est une redécouverte”, assure Manuel Bompard, député des Bouches-du-Rhône et tête pensante des campagnes mélenchoniennes. “Je le sens libéré d’un poids. Il a pris une décision courageuse et il se sent à l’aise”, observe encore le trentenaire, le jour de son élection à l’Assemblée. Il l’assure: ”Il n’y a pas de chouchou. C’est un partenaire loyal”.
Pas d’amertume non plus dans les rangs socialistes. Le jour de la rentrée des députés NUPES, Boris Vallaud, futur président du groupe sourit quand on lui pose la question. “C’est comme ça, que voulez-vous, un coup de foudre, ça ne s’explique pas!”.
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