ENVIRONNEMENT – “Chaque année on prend une claque avec le jour du dépassement mondial qui avance” s’alarme Pierre Cannet, directeur du plaidoyer et des campagnes du WWF France. L’association de protection de l’environnement, qui établit chaque année le célèbre “jour du dépassement” établissant la date à laquelle la planète a épuisé ses ressources annuelles, calcule également un jour du dépassement par pays. Pour la France en 2022, cela tombe ce jeudi 5 mai, et l’ONG veut en faire un symbole.
Comme vous pouvez le découvrir dans la vidéo en tête de cet article, la France est un mauvais exemple au niveau mondial dans la consommation des ressource. La planète entre en “déficit écologique” dès le mois de juillet (c’était le 29 juillet en 2021). Mais si toute la Terre vivait, exploitait et consommait comme la France, le couperet tomberait trois mois plus tôt. Pire, la date avance depuis qu’elle est calculée: en 1974, c’était le 3 juin.
Alors qu’Emmanuel Macron s’apprête à être investi pour un second mandat, les Français sont déjà devenus les débiteurs de la nature. “C’est le premier président qui commence son quinquennat dans le rouge”, résume Pierre Cannet. Une raison supplémentaire, alors que l’urgence écologique fait l’objet d’un consensus très large, pour pousser le chef de l’État à s’engager dans des réformes ambitieuses…en profitant du “flou” pesant sur son programme écologique.
La nécessaire planification écologique
Pour cette échéance symbolique du 5 mai, le WWF a ainsi remis à Emmanuel Macron un ensemble de propositions, intitulé “Un quinquennat
pour réussir face à la crise écologique”, qui s’attaque de front à l’empreinte écologique de l’hexagone.
Pour cela, trois scénarios ont été imaginés pour 2027, en forme de bilan du second quinquennat Macron: dans le premier, rien n’a été fait, et la date du dépassement français avance encore de deux jours. Dans le second, qui prend en compte les engagements actuels de Paris sur le climat, elle est repoussée de trois jours, pour tomber un 8 mai.
Mais le troisième scénario est celui dont veut rêver le WWF: avec différents critères et mesures, allant d’une baisse de la consommation de 16% aux développements des voitures électriques, en passant par une réduction de moitié du gaspillage alimentaire, on pourrait en cinq ans repousser au 30 mai la date du dépassement français. Pour cela, les auteurs du rapport préconisent une méthode familière notamment au candidat Macron: la planification écologique.
Une façon de surfer sur un terme à la mode pendant la campagne? “Nous, on le porte depuis des années”, s’en défend Pierre Cannet. “C’est un terme monté en puissance pendant la campagne, et tant mieux, car derrière c’est toute l’organisation de la transition écologique, avec une nouvelle règle du jeu”. Pas sûr que cette planification version Macron soit tout à fait celle souhaitée par l’ONG, surtout lorsque Jean-Luc Mélenchon la souhaitait également, en des termes bien plus appréciés par les associations environnementales. Mais les responsables du WWF veulent croire en leurs chances.
Le flou macronien, une chance pour le climat?
“Si l’on regarde son programme, il y a des mesures que nous portons également dans ce rapport, par exemple les 700.000 logements rénovés par an. La différence c’est qu’il n’en détaille pas les performances.” Dans ce domaine, comme d’autres qui touchent à l’environnement, le candidat Macron a été critiqué pour le flou des mesures proposées. Le WWF y voit une opportunité de faire pression sur le président réinvesti, qui a fait de l’urgence climatique un thème central de l’entre-deux-tours.
“Notre étude saisit des ouvertures dans le flou de son programme”, explique Pierre Cannet, “on en saisit certains éléments…et on pousse à fond le curseur”. La proposition de diviser par deux l’utilisation de pesticides d’ici à 2025 est une illustration de cette méthode, alors qu’Emmanuel Macron s’était engagé à “initiative forte” en prenant la tête du Conseil de l’Union européenne en 2020… sans, pour l’instant, la concrétiser.
D’autres sujets, en revanche, auront bien du mal à passer. Il en est notamment des mesures touchant à la sobriété et au changement des habitudes alimentaires. Le WWF préconise notamment une baisse de 30% de la consommation de protéines animales, un point que l’on voit difficilement être repris par le chef de l’État, qui n’a jamais fait campagne sur ce thème.
Au milieu de ce rapport visant à repousser l’échéance de notre faillite écologique annuelle, il est une mesure, une méthode même, que l’organisation voudrait en particulier voir appliquer: celle du “passe pour le climat”. L’idée que chaque décret, chaque projet, chaque proposition de loi soit d’abord passé au crible de l’urgence climatique, par un organisme indépendant, avant d’être voté. “Aujourd’hui, c’est seulement le cas de 3% des articles de loi!”, s’alarme Pierre Cannet.
Pas sûr que la version macronienne de la planification écologique comporte un volet aussi contraignant. Le responsable associatif veut pourtant y croire: “C’est son dernier quinquennat. Il ne voudra pas être le président qui a échoué sur la transition écologique.”
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