Extrait de « Absolution » : lisez le début du dernier livre de Jeff VanderMeer sur Southern Reach

Mais il y avait aussi l'assurance, la confiance dans les récits des biologistes comme remède pour dissiper les soupçons. Car le sergent Rocker avait lui aussi pris la mer et disparu, les biologistes utilisant leur équipement de pistage pour s'assurer qu'ils pourraient suivre les alligators dans leur nouvelle vie.

Le Tyran resta à l'écart, tandis que les autres restèrent à proximité pendant un certain temps. Personne, du moins pendant la nuit, ne semblait disposé à quitter la zone, et le quatrième jour, le chef d'équipe 1 confia au membre le plus junior de son groupe la tâche de surveiller les moments qui pourraient inclure une journée entière de détente dans la même étendue de boue.

Le sixième jour, ils ont trouvé la patte avant de Firestorm, entourée d'un fil de fer barbelé, le tout bien en évidence sur un banc de boue avec de profondes empreintes de bottes suggérant des braconniers. Un biologiste a écrit : « La pâleur de la patte avait quelque chose de pathétique, de pathétique, de ravissant devant les preuves de notre expérience, perdue si loin de chez elle. J'ai pleuré pendant une heure, mais je ne sais pas si c'était une réaction appropriée. »

(Non, le vieux Jim ne croyait pas que c'était une réponse appropriée, même s'il pleurait lui-même à des heures inhabituelles, pour ses propres raisons, dans les archives de Central.)

Battlebee a été retrouvé mort, boursouflé et blanc, avec un morceau de son corps arraché post-mortem par une créature, peut-être le sergent Rocker, l'hypothèse étant que le stress et l'anesthésie avaient été trop durs pour lui. L'autopsie a révélé le contenu de son estomac qui comprenait du poisson, une tortue, de la boue et, inexplicablement, une tasse de thé cassée.

Elle était également enceinte, « un fait qui nous a surpris », a écrit le chef d’équipe 2, « étant donné que ses papiers l’identifiaient comme un homme », dans un contexte de confusion générale : « Pour être honnête, je ne me souviens plus de la première fois où nous avons entrepris ce projet, de la première fois où nous avons rencontré ces sujets. La chaleur ici est épouvantable. »

Le sergent Rocker a choisi de ne pas participer au projet en jetant son harnais dans l’eau près de la tente du chef d’équipe 1, ce qui montre, comme elle l’a dit de manière absurde, « une politesse de la part du sergent Rocker qui correspondait à sa personnalité lorsque je le connaissais le mieux. J’ai ressenti cette perte beaucoup plus profondément que prévu. »

Cette sentimentalité envers un alligator, qu’il considérait comme une obligation quelques jours auparavant, pesait sur le vieux Jim, sans qu’il puisse mettre le doigt sur les raisons. Il ne comprenait pas non plus pourquoi l’expérience sur l’alligator était considérée par les biologistes comme un grand succès dans leurs rapports, et ils y faisaient même référence avec une sorte de nostalgie magnifique et dévorante lorsque la mission commençait à tourner au vinaigre. Le mythe de la compétence, peut-être. Le mythe de la persévérance. Le mythe de l’objectivité.

Peut-être que lui et les biologistes auraient été plus avisés de se concentrer sur la façon dont le sergent Rocker s'était transformé en artiste de l'évasion, car le harnais était intact et toujours fermé, sans déchirure nulle part. Alors comment l'alligator avait-il pu s'enfuir ? Le vieux Jim continuait à voir les biologistes, grâce à une vidéo défectueuse, s'enfuir du site de libération, pour se reformer ensuite dans leur cercle de buveurs.

Il a rejoué la vidéo si souvent qu'elle est devenue un désordre déconcertant de lumière et d'ombre, de têtes, de jambes et de formes désincarnées pixellisées qui surgissaient et devenaient plus nettes, pour finalement être englouties dans le passé.

«Toutes les mesures possibles ont été prises mais rien n’a pu être fait.»

Ou bien le résultat avait-il été exactement celui prévu ?