Dans ces affaires, le rôle des partis politiques auxquels sont rattachés les candidats peut interroger: ce sont en effet des structures et des entreprises avec des obligations envers leurs salariés ; mais où se croisent également des personnes militantes, qui ne travaillent pas, au sens légal du terme, pour le parti, mais le font vivre de différentes manières.
Or, face aux violences sexistes et sexuelles, les procédures varient selon les partis, entre retrait d’investiture, signalement à la justice ou inaction la plus totale.
Le parti politique, un employeur comme les autres ?
En entreprise, le Code du travail est clair. Le texte de loi oblige l’employeur à “veiller à protéger l’ensemble de ses salariés contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes”. Tout employeur a donc l’obligation d’avoir une politique de traitement des plaintes, de mener ses enquêtes internes indépendantes de toute poursuite pénale et de prononcer des sanctions si le résultat de l’enquête le justifie.
Des obligations qui valent aussi pour tout parti politique… mais avec ses salariés seulement. Permanents, cadres locaux et nationaux, chargés de communication, ou encore chargés d’études, les métiers au sein des différents partis politiques français sont variés.
C’est dans le cadre militant que la procédure est beaucoup plus floue. Il s’agit ici de personnes bénévoles qui dédient une partie de leur temps libre au parti, sans être lié par un contrat. “Il n’y a pas de Code du travail qui s’applique, mais des procédures très peu utilisées avec peu de jurisprudence,” précise au HuffPost Marilyn Baldeck, déléguée générale de l’AVFT, l’Association contre les violences faites aux femmes au travail.
En effet, en cas d’accusation de violences sexuelles au sein d’un parti politique, c’est la responsabilité civile de ce dernier qui est engagée. Or, le milieu militant et la loyauté des membres au parti font qu’il est très rare de voir des victimes s’en prendre directement à leur propre structure.
À chacun son dispositif de prévention (ou non)
Dans ce flou juridique, les partis politiques gèrent alors ces affaires chacun à leur manière. “Il y a une minorité de partis qui ont mis en place une cellule de signalement”, déplore auprès du HuffPost Madeline Da Silva, cofondatrice de l’Observatoire des violences sexistes et sexuelles en politiques.
Chez EELV, l’affaire Denis Baupin est passée par là, en 2016. “Une cellule d’écoute et une autre d’enquêtes et de sanctions ont été mises en place”, à ce moment-là, expliquait le 24 mai à l’AFP Sandra Regol, numéro 2 du parti.
À La République en Marche, c’est la vague #Metoo qui a bousculé le jeune mouvement, né en 2016 autour de la première candidature présidentielle d’Emmanuel Macron. LREM s’est organisé en 2020 avec la création d’une cellule de signalement de harcèlement sexuel, d’abord ouverte aux salariés puis à l’ensemble des adhérents du mouvement.
Du côté de la France insoumise, le parti s’est doté d’un Comité de suivi contre les violences sexistes et sexuelles qui a été saisi après les accusations de violences sexuelles à l’encontre de Taha Bouhafs.
En revanche, chez Les Républicains, comme au Parti socialiste, aucune cellule spécifique n’a été créée pour gérer ce type d’accusations et le cas par cas est de mise.
Une fois le signalement remonté aux responsables des partis, là encore, les réponses apportées peuvent varier, et le militant n’est pas automatiquement sanctionné. “Tout dépend des chartes internes. Certains partis peuvent prévoir que de tels agissements engendrent une exclusion d’office du parti. Parfois, il n’y a rien dans leurs statuts”, détaille la juriste Catherine La Magueresse, juriste spécialiste de droit du travail, ancienne présidente de l’AVFT.
Et la justice dans tout ça?
Par ailleurs, de manière générale, rien n’oblige les entreprises à informer la justice quand une procédure a lieu. Ce qui explique pourquoi la procédure interne d’un parti peut rester indépendante de toute éventuelle procédure pénale.
Dans la même logique, toute entreprise peut acter du licenciement de son salarié ou de toute autre sanction décidée au regard du Code du travail, indépendamment des conclusions de la justice, si elle a été saisie. Le PS a déjà licencié au cours des dernières années un salarié accusé d’agression sexuelle par une stagiaire, par exemple.
Dans le cas de Damien Abad, Christophe Castaner, président du groupe LREM à l’Assemblée nationale, a indiqué à l’AFP avoir transmis au procureur de la République dès vendredi 20 mai le signalement par l’Observatoire des violences sexistes et sexuelles.
Une fois informé de l’une des accusations de viol, le patron des députés de la majorité dit avoir enclenché cette procédure en vertu de l’article 40 du Code de procédure pénale. Le texte prévoit que “toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l’exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d’un crime ou d’un délit” est tenu de saisir le parquet.
À La France insoumise, le parti a fait le choix de gérer l’affaire Taha Bouhafs uniquement en interne. Après avoir personnellement recueilli le témoignage d’une victime, la députée Clémentine Autain a, elle, décidé de ne pas saisir la justice – alors qu’elle pourrait être un “officier public et fonctionnaire” en sa qualité d’élue. “
J’assume d’enfreindre la loi, explique-t-elle au HuffPost. Cet article est mal fait. Pour moi, c’est la volonté des victimes qui doit primer.”
Pour autant, elle ne risque pas vraiment quelque chose. “L’article 40 n’est jamais sanctionné, c’est une obligation quasi-morale, mais il n’y a pas de peine, explique au HuffPost Louis Le Foyer de Costil, avocat en droit public. En pratique, ce n’est pas bien de ne pas le respecter, mais il n’y a pas de jurisprudence, personne n’a jamais été condamné.”
D’autant plus que l’interprétation du terme d’“autorité constituée” reste floue : s’il ne concerne pas le parti politique en tant que tel, il pourrait englober la fonction de député, mais le texte ne le dit pas noir sur blanc.
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