Dans la matinée de ce jeudi 17 mars, près d’une dizaine d’avions appartenant au gouvernement russe ont décollé de Moscou en direction de l’est, comme l’ont confirmé plusieurs sites spécialisés dans l’observation de l’activité aérienne. Parmi ces appareils officiels, des Tupolev, un Soukhoi et un Antonov tous opérés par les forces armées russes (RuAF).
Les avions sont pour la plupart revenus ensuite sur Moscou, parfois presque immédiatement après avoir touché le sol. Une seconde vague de décollages similaires a également été observée ce vendredi 18 mars ainsi que le souligne l’historien militaire, Cédric Mas, sur Twitter.
Ces mouvements d’avions ont donné lieu à de nombreuses interprétations ou hypothèses, certaines allant même jusqu’à supposer un exercice d’évacuation ou une fuite de hauts dignitaires du Kremlin. À l’heure actuelle, impossible d’expliquer avec certitude la raison de ces voyages, ni de donner les noms des personnes qu’ils transportaient éventuellement.
Par ailleurs, comme l’explique le site spécialisé The Aviationist, il n’est pas si rare qu’autant de vols de ce type aient lieu en même temps, même si généralement ils sont plus espacés sur la journée. Autre élément important à prendre en compte, si la direction de tous ces avions était essentiellement vers l’est, c’est aussi parce que l’espace aérien européen est désormais fermé aux vols russes.
Gesticulation dans les airs
Enfin et surtout, ces avions ont laissé des traces et n’ont pas cherché à cacher leurs informations de vol. Ce qu’ils auraient très bien pu faire, comme ne manque pas de le relever, DSI, le magazine spécialisé en questions géostratégiques et militaires: “Si la Russie dispersait ses responsables, si elle voulait lancer une attaque nucléaire surprise, elle ne le ferait sans doute pas en laissant les transpondeurs allumés”.
Et de poursuivre: “Cela n’empêche pas d’utiliser ce qui pourrait être un exercice de dispersion (…) comme un signal politique, de manière à faire pression. On l’a vu avec les paniques médiatiques autour de la prise des centrales de Tchernobyl (…) Les opinions sont inquiètes dès qu’il est question de nucléaire. La Russie en joue évidemment”, ajoute encore DSI.
Selon le magazine, ces vols peuvent très bien être une forme de “message” ou un signal vers une forme “d’escalade déclaratoire” mais attention à ne pas “surinterpréter” ou “sous-estimer”.
Interviewé sur LCI, le spécialiste de l’aéronautique Michel Polacco allait dans le même sens ce vendredi après-midi. ”Il y a cette espèce de gesticulation qui les a conduits à faire voler des gros avions militaires, des avions d’observation, des avions d’écoutes, des avions de commandements pour quelque part montrer que leur dispositif d’écoute, de surveillance, était en état de fonctionner. Tout ça a un côté un peu suspect parce qu’on n’est pas habitué (…) Il faudra voir dans les jours prochains s’ils peuvent continuer cette gesticulation”. Le spécialiste n’a pas manqué de rappeler que les vols intérieurs d’affaires et commerciaux continuaient aussi en Russie.
La fuite à Dubaï?
En parallèle de ces vols officiels, les spécialistes des airs et de l’OSINT (Renseignement de source ouverte, en français) à l’instar du danois, Oliver Alexander, ont également relevé ce jeudi le départ de plusieurs jets privés depuis Moscou vers Dubaï.
Ces décollages interviennent alors que Vladimir Poutine a ciblé dans une allocution vidéo les “traitres” à la Russie, “la racaille”, avant d’évoquer une ”épuration” nécessaire de la société russe. Le maître du Kremlin a ensuite nommé à demi-mots les oligarques, en parlant de ceux “qui ont des villas à Miami ou sur la Côte d’Azur” et “qui ne peuvent pas vivre sans foie gras, sans huîtres ou sans soi-disant liberté de genre”.
Une ambiance de “purge” qui planerait également, dans un contexte d’embourbement en Ukraine, sur le cercle le plus proche de Vladimir Poutine, selon l’Institut des études de la guerre (ISW): “Poutine procède probablement à des purges internes chez ses généraux et personnels du renseignement (…) soit après avoir négligé leurs estimations (…), soit en rétorsion de l’intelligence erronée dont il les accuse”.
Ce week-end, le chef de la garde nationale Viktor Zolotov a pour la première fois admis que “tout (n’allait) pas aussi vite que (Moscou) le voudrait”. Des journalistes russes -Andrei Soldatov et Irina Borogan- ont également affirmé sur le site Meduza, basé en Lettonie, que le patron du 5e département du FSB, le général Sergueï Besseda, et son adjoint Anatoli Boloukh avaient été placés en résidence surveillée. D’autres sources indiquaient ce jeudi 17 mars que le directeur adjoint de la garde nationale, Roman Gavrilov, avait “démissionné”.
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