La BBC a réagi en annonçant que ses équipes quittaient la Russie pour assurer leur “sécurité”, après ce blocage mais aussi l’adoption d’une loi prévoyant des peines de prison en cas de diffusion d’“informations mensongères sur l’armée”.
“Cette législation semble criminaliser le processus du journalisme indépendant. Elle ne nous laisse pas d’autre choix que de suspendre temporairement le travail de tous les journalistes de la BBC et de leur personnel d’appui en Russie, pendant que nous évaluons toutes les implications de cette évolution malvenue”, écrit le média britannique dans son communiqué.
“La sécurité de notre personnel est primordiale et nous ne sommes pas prêts à l’exposer au risque de poursuites pénales, simplement pour avoir fait son travail”.
Les équipes de BBC quittent la Russie en raison des nouvelles règles, qui “criminalisent le journalisme indépendant”.
“La sécurité de notre personnel est primordiale et nous ne sommes pas prêts à l’exposer au risque de poursuites pénales, simplement pour avoir fait son travail.” pic.twitter.com/eQ8lnzomtL
— Nicolas Berrod (@nicolasberrod) March 4, 2022
“Les équipes de la BBC Russie continueront d’opérer” mais depuis l’extérieur de la Fédération, a expliqué le média. “Nous restons déterminés à mettre des informations précises et indépendantes à la disposition des internautes du monde entier, y compris des millions de Russes qui utilisent nos services d’information. Nos journalistes en Ukraine et dans le monde entier continueront à rendre compte de l’invasion de l’Ukraine”.
Accès restreint à plusieurs médias internationaux
Ce vendredi 4 mars dans la matinée, l’accès aux sites des éditions russophones de la BBC et de la radio-télévision internationale allemande Deutsche Welle (DW), du site indépendant Meduza et de Radio Svoboda, antenne russe de RFE/RL, a été “limité”. Le régulateur russe des médias Roskomnadzor indique que ces décisions ont été prises à la demande du parquet le 24 février, soit le jour du déclenchement de l’invasion de l’Ukraine par Vladimir Poutine.
Des journalistes de l’AFP à Moscou ont constaté que les pages d’accueil de la BBC et de Deutsche Welle s’ouvraient par intermittence, mais certains articles consacrés à la guerre en Ukraine étaient inaccessibles. Les pages d’accueil de Meduza et de Svoboda étaient complètement hors d’usage.
Dans la nuit de jeudi à vendredi, déjà, GlobalCheck, service de veille contre la censure sur internet, avait constaté des problèmes pour accéder à ces sites, ainsi qu’au réseau social Facebook, qui tourne au ralenti depuis plusieurs jours en Russie.
Le droit à l’information, “un droit humain fondamental”
Deutsche Welle, RFE-RL et le service russophone de la BBC sont financés respectivement par Berlin, Washington et Londres. En Russie, leurs journalistes publient régulièrement des enquêtes critiques du Kremlin. Le mois dernier, Deutsche Welle avait été interdit en Russie et ses reporters contraints d’arrêter de travailler. Mais son site continuait de fonctionner.
Après cette annonce, la BBC a indiqué dans un communiqué “poursuivre ses efforts pour que BBC News soit disponible en Russie”: “Avoir accès à des informations précises et indépendantes est un droit humain fondamental qui ne doit pas être refusé au peuple russe, dont des millions de personnes comptent sur BBC News chaque semaine”.
Le site d’information britannique en russe a vu son audience plus que tripler, à 10,7 millions en moyenne hebdomadaire depuis le début de l’invasion, en comparaison avec la même période l’an dernier. Le nombre de visiteurs en Russie sur le site en anglais bbc.com a lui bondi de 252% à 423.000 la semaine dernière.
Contacté par Le HuffPost, le groupe de l’audiovisuel extérieur français France Médias Monde assure que pour l’heure la diffusion de RFI et de France24 n’a pas été impactée en Russie. Contrairement aux 4 médias cités plus haut, la radio RFI n’est pas diffusée en linéaire dans le pays, mais uniquement via une offre 100% numérique en langue russe. Tandis que la chaîne de télévision France24 continue à ce jour de diffuser en français et en anglais auprès de quelque 28 millions de foyers sur le territoire russe.
Interdiction de s’éloigner des communications officielles russes
Jeudi, après le blocage de leurs sites par les autorités, l’emblématique station de radio Ekho Moskvy (Echo de Moscou) a annoncé son autodissolution et la chaîne de télévision indépendante Dojd a dit suspendre son activité jusqu’à nouvel ordre.
La Russie est régulièrement décrite par les ONG comme l’un des pays les plus restrictifs au monde en matière de liberté de la presse, mais la situation s’est aggravée depuis le début de l’invasion de l’Ukraine par Moscou.
Les autorités russes ont notamment interdit aux médias d’utiliser des informations autres que les déclarations officielles sur ce sujet, et banni l’utilisation de mots comme “guerre” et “invasion”.
Loin de s’arrêter là, le pouvoir a voté un durcissement de son arsenal répressif: une loi, qui prévoit jusqu’à 15 ans de prison pour toute publication de “fake news” concernant l’armée russe, a été adoptée ce vendredi à la Douma, chambre basse du Parlement russe.
Dans ce contexte, le journal indépendant Novaïa Gazeta, dont le rédacteur en chef est le dernier Prix Nobel de la paix, a annoncé vendredi soir la suppression de certains de ses contenus liés à l’Ukraine afin d’éviter des sanctions.
“La loi sanctionnant les ‘fausses nouvelles’ sur les actions des forces armées russes est entrée en vigueur (…) nous sommes obligés de supprimer de nombreux contenus. Mais nous avons décidé de continuer à travailler”, a annoncé le journal.
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