RÉPRESSION – C’est le plus grand coup de filet depuis l’instauration de la loi sur la sécurité nationale. Une cinquantaine de figures de l’opposition pro-démocratie ont été arrêtées ce mercredi 6 janvier à Hong Kong en vertu de la récente loi sur la sécurité nationale.
Les autorités chinoises ont engagé en 2020 une reprise en main musclée de l’ex-colonie britannique, qui avait l’année précédente été le théâtre d’une mobilisation populaire inédite depuis la rétrocession en 1997.
Et ces interpellations sont une nouvelle illustration de cet effort pour museler la dissidence. D’autant que la plupart sont liées à la primaire organisée l’été dernier par l’opposition pro-démocratie pour tenter de prendre la majorité lors des législatives de septembre, qui ont finalement été reportées d’un an.
La police a confirmé que 53 personnes, dont un avocat américain, avaient été arrêtées pour subversion dans cette opération matinale qui a mobilisé un millier d’agents. Le ministre hongkongais de la Sécurité, John Lee, a qualifié ces arrestations de “nécessaires”, expliquant qu’elles visaient un groupe de personnes ayant cherché à “noyer Hong Kong dans les abysses”.
Le gouvernement chinois a aussi défendu ce coup de filet. La porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Hua Chunying, a assuré que ce qui était menacé, ce n’était que “la liberté de certaines forces extérieures et individus à Hong Kong, qui s’associent les uns aux autres pour tenter de saper la stabilité et la sécurité de la Chine”.
“Continuez!”
L’opération a été rapidement condamnée par Antony Blinken, l’homme choisi par le président élu américain Joe Biden pour diriger sa diplomatie, et qui a dénoncé une “attaque contre ceux qui défendent courageusement les droits universels”. “L’administration Biden-Harris se tiendra aux côtés du peuple de Hong Kong et contre la répression de la démocratie par Pékin”, a-t-il promis.
C’est un spectre très large de la mouvance pro-démocratie qui a été visé mercredi, qu’il s’agisse d’ex-parlementaires comme James To, Andrew Wan, Lam Cheuk Ting ou Claudia Mo, ou de militants plus jeunes.
Parmi ces derniers, figurent Gwyneth Ho, une ancienne journaliste de 30 ans, et Tiffany Yuen, une conseillère de district de 27 ans. Des proches de Joshua Wong, l’un des visages les plus connus de la mouvance pro-démocratie, actuellement incarcéré, ont affirmé que son domicile avait été perquisitionné.
La police a aussi réalisé une perquisition dans un cabinet d’avocats engagé dans la défense des droits de l’Homme. L’avocat américain John Clancey, qui travaille pour cette entreprise, a été arrêté, a-t-on appris de sources proches du dossier. Il est le premier Américain interpellé au nom de la nouvelle loi.
“Continuez à travailler pour la démocratie et les droits de l’Homme à Hong Kong”, a lancé aux journalistes l’avocat qui est résident permanent à Hong Kong, alors que la police l’emmenait. Les policiers se sont aussi rendus dans les locaux de trois groupes de presse: Stand News, Apple Daily et Inmediahk.
“Nuit des longs couteaux”
“C’est une vraie nuit des longs couteaux, la plus vaste attaque menée à ce jour contre la démocratie à Hong Kong”, s’est insurgé l’avocat Antony Dapiran, auteur d’un livre sur les mouvements sociaux à Hong Kong.
Nathan Law, un compagnon de route de Joshua Wong qui s’est exilé en juillet, a accusé les autorités de chercher à ”éteindre la flamme de la résistance”. D’autant que ce coup de filet était directement lié aux primaires de l’opposition, auxquelles 600.000 personnes avaient participé en juillet dernier.
Le camp pro-démocratie entendait lors des législatives de septembre capitaliser sur l’immense popularité de la mobilisation de 2019. Mais ces scrutins ont été reportés d’un an au prétexte du coronavirus.
L’opposition, qui avait triomphé fin 2019 aux élections locales, comptait avec ces primaires éviter la dispersion des voix pour faire basculer pour la première fois la majorité au Conseil législatif (LegCo, le parlement local).
Mais cette tentative de faire émerger au LegCo un réel contre-pouvoir à l’exécutif local qui est aligné sur Pékin a déclenché les foudres du pouvoir chinois.
La Chine avait présenté ces primaires comme une “grave provocation” et affirmé que faire campagne pour prendre le contrôle du parlement pouvait relever de la “subversion”, en vertu de la loi sur la sécurité nationale entrée en vigueur quelques semaines plus tôt.
Imposé sans débat par Pékin, ce texte fut une riposte à la crise politique de 2019, quand Hong Kong avait pendant des mois été le théâtre de manifestations contre les ingérences de la Chine.
Les critiques de cette loi la présentent comme le dernier clou dans le cercueil de la semi-autonomie hongkongaise, pourtant théoriquement garantie jusqu’en 2047 dans le cadre du principe “Un pays, deux systèmes”.
À voir également sur le HuffPost: La Chine sur le banc des accusés: ce sinologue nous explique pourquoi