Un mardi matin. Je dormais encore. L’avion, qui devait me ramener vers Paris, devait décoller en fin de matinée à l’aéroport international de Washington.
Vers 9h30, coup de téléphone de ma compagne depuis Paris:
– Ça va? Tu es où?
– Toujours à Washington. Je pars tout à l’heure.
– Tu as vu ce qu’il s’est passé à New York? Les tours?
– Non…
J’ai vite raccroché, allumé la TV. Les images en boucle du premier avion s’encastrant dans une tour du World Trade Center puis très vite son effondrement, suivi de celui de la deuxième. Choc. Sidération.
Des images choc qui marquent l’esprit
L’ami français qui m’hébergeait et travaillait à la Banque mondiale est revenu très vite. Tout le monde avait été évacué du quartier des affaires entourant la Maison-Blanche. Washington se barricadait. L’espace aérien clos. Impossible de rentrer en France.
On s’est regroupé ce jour-là chez mon ami, une cousine et un cousin américain. Toutes et tous sous le choc. On avait besoin d’être ensemble. De se serrer les coudes pour vivre ce moment. De se serrer les coudes pour recevoir l’avalanche de nouvelles traumatisantes, le déroulé des attaques terroristes. Et penser à toutes les victimes de tous âges, nationalités, origines mortes brûlées, asphyxiées… celles qui avaient sauté des tours… comme tout le monde, ces images ont marqué mon esprit.
Le soir, Georges W. Bush, celui dont on se moquait encore quelques heures auparavant, a pris la parole. Solennité du moment. Plus personne ne riait. On s’est couché sans un mot. Je me rappelle m’être seulement dit “le monde ne sera plus jamais comme avant” avant de m’endormir.
Le lendemain matin, mon ami est reparti travailler. J’ai mis un jean et des baskets et me suis rendue spontanément à l’antenne de Washington de l’agence de presse internationale pour laquelle je travaillais en France leur proposer mes services. J’étais alors une jeune journaliste de 29 ans pas très sûre de moi et quasiment sans expérience d’une couverture internationale.
Toutes et tous uni. e. s dans un même choc, mêmes peine et colère
Mais ce jour-là, l’adrénaline des événements était telle que je ne me suis posé aucune question.
Le bureau était une fourmilière. Les journalistes s’étaient relayés depuis la veille 24h sur 24. Aucun renfort n’était encore possible depuis l’étranger du fait de la clôture de l’espace aérien. Ma présence était la bienvenue.
Mon premier article fut consacré à compiler les derniers témoignages des victimes des attentats à travers les derniers appels désespérés à leurs proches: panique, derniers mots d’amour, ultime espoir…: une plongée directe et infiniment triste dans la souffrance humaine engendrée par la terreur.
J’ai proposé ensuite de sortir dans les rues recueillir la parole d’Américain. e. s. Je me souviens avoir parlé à un membre de la communauté latino-américaine ainsi qu’à un opposant politique à Georges W. Bush. Toutes et tous uni. e. s dans un même choc, mêmes peine et colère.
Il y eut aussi une interview du recteur de la grande mosquée de Washington. Un sage tout de blanc vêtu captivant, profond, effondré.
Puis un reportage au Pentagone où j’ai aperçu de loin l’éventrement par un avion de ce centre névralgique censé incarner la puissance et la sécurité de la nation américaine. Et ces mémoriaux spontanés sur les pelouses remplis de photos des victimes, de poèmes, de lettres, de dessins d’enfants…
Le retour à la realpolitik
Le soir, Washington en état de guerre. Les chars blindés dans la ville, les hélicoptères tournoyant au-dessus.
Très vite, l’annonce des représailles en Afghanistan. Le retour à la realpolitik.
C’était il y a 20 ans. Ces journées restent à jamais gravées dans ma mémoire.
Deux jours avant le 11 septembre, nous étions à New York. Nous avions décidé de boire un café dans les sous-sols du World Trade Center. Et juste avant de reprendre le train, passer sur Brooklyn Bridge prendre des photos de Manhattan en prenant soin de bien capter les tours jumelles en arrière-plan.
Tours qui n’existent plus que dans notre mémoire. Comme un écho à la fin du poème de Prévert “Barbara”: “Brest, dont il ne reste plus rien…” après la guerre, cette “connerie”…
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