Voici pourquoi.
Pour avoir connu des variations de poids pendant une bonne partie de ma vie et essuyé d’innombrables moqueries, j’ai une relation compliquée avec mon corps. J’ai appris à m’aimer comme je suis mais, pendant longtemps, j’avais l’impression de ne pas être à ma place dans une salle de sport. Je n’ai jamais pris de cours par peur du regard des autres. Je faisais une fixation sur mes bourrelets quand je me penchais ou sur le fait que je ne parvenais pas à tenir une position de yoga aussi longtemps que les autres.
Bien que le fait d’être en surpoids n’empêche pas d’avoir beaucoup de force – je peux pousser 100 kg avec les cuisses et je fais du 44 –, beaucoup s’imaginent à tort que les salles de sport sont destinées aux personnes qui sont déjà en forme, ou semblent l’être, que pour un entraînement digne de ce nom, il faut être musclé·e, porter la dernière combi Lululemon et se vanter du nombre de fois qu’on peut répéter le même exercice.
«“Depuis le déconfinement, aller à la salle de sport est un vrai bonheur, et pas seulement grâce aux endorphines.”»
Les personnes qui ont du mal à franchir la porte d’une salle de sport sont parfois intimidées par l’obligation de se mesurer aux “sportifs” qu’on y trouve. Comme ce type qui m’a un jour demandé de lui céder les haltères parce qu’il en avait “besoin” (apparemment, plus que moi). Ou celui qui trépignait ostensiblement parce que je passais trop de temps sur le pupitre à biceps. Bien évidemment, je m’y suis attardée rien que pour l’agacer mais, pendant tout ce temps, je sentais ses yeux sur ma nuque. Sans compter celui qui s’est approché de moi à 3 h du matin alors que je faisais des abdos, pris d’une envie de discussion nocturne.
Mais, depuis le déconfinement, aller à la salle de sport est un vrai bonheur, et pas seulement grâce aux endorphines. Les mesures de distanciation physique édictées par le gouvernement instaurent des repères clairs qui empêchent les autres de pénétrer dans votre espace personnel. Il y a aussi une limite à la durée d’utilisation des machines et au temps passé en salle.
Cela signifie qu’il n’y a plus de types à bout de souffle qui encouragent les femmes à déserter le coin dédié aux haltères, réputé riche en testostérone, souvent parce que certains en réservent l’usage aux personnes dotées d’un pénis. Plus de tentatives de drague non plus, parce que c’est devenu quasiment impossible. Lors de ma séance post-confinement, j’ai aussi eu le plaisir de voir pour la première fois autant d’hommes que de femmes sur les tapis de musculation, de tous âges et de toutes tailles!
Il faut aussi réserver et payer à l’avance, sauf si l’on est adhérent, et apporter sa serviette et sa bouteille d’eau.
Dans l’ensemble, ce n’est pas l’espace qui m’a fait la plus grande impression, mais l’atmosphère qui y régnait. Les gens sont contents de pouvoir retourner à la salle de sport et personne n’enfreint les règles.
Dans l’idéal, on n’aurait pas besoin d’une pandémie pour que les femmes puissent faire du sport en paix et avoir accès aux mêmes équipements que les hommes. Certes, ma réticence vis-à-vis des clubs de sport est sans aucun doute liée à des problèmes de perception de mon corps (mais j’y travaille, promis!), mais la plupart des salles ne sont pas pensées pour les femmes et l’acceptation des corps est pour le moins imparfaite. Je le dis en tant que féministe et je dirai ma façon de penser à quiconque ne me traite pas sur un pied d’égalité. Se défendre dans un lieu où l’on est déjà dans une position désavantagée n’est pas chose facile.
Le coronavirus nous offre une chance de construire une société meilleure. Cette sinistre période prendra fin un jour, mais j’espère que nous en tirerons quelques leçons positives.
N’attendons pas la prochaine pandémie pour que les femmes comme moi se sentent à l’aise dans les salles de sport.
Ce blog, publié sur le HuffPost britannique, a été traduit par M. André pour Fast ForWord.
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