Je suis colère. Cause de ce que je viens d’entendre. Le grand chef des écoles trouve regrettable que le personnel de l’Éducation nationale fasse grève ce jeudi, parce que, je cite, “c’est dommage d’avoir une journée qui va perturber davantage le système”. J’ai chu, je crois, de ma chaise. Peut-être même que j’ai renversé ma tasse de café (j’étais assise, t’inquiète, je respecte le protocole). On en est donc là. À déplorer une journée de grève alors que ça fait un an et demi que tout est hautement perturbé. Un peu comme si on était dans un avion, tout là-haut, sans pilote et pris dans un orage sans fin.
Une journée de grève alors que ça fait un an et demi que tout est hautement perturbé
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Ben non, en fait. Pour apprendre, il faut être dans de bonnes conditions. Pour apprendre, il faut être bien. Pour apprendre, il faut que se sentir en sécurité (je sais de quoi je parle, en tant que psychologue dans les écoles). Devinez un peu… ça n’a jamais été le cas depuis le début de la pandémie. Sauf que ça n’est pas uniquement la faute du virus. Alors ça n’est pas dommage, cette grève de jeudi. C’est normal. Normal, car personne n’a été recruté en plus pour accompagner les enseignants. Cette désorganisation infinie qu’est devenue l’école aurait mérité du renfort, quoi qu’il en coûte. Normal, ensuite, car aucun moyen humain n’est venu en plus concernant l’accompagnement des enfants, ces êtres inférieurs qui s’adaptent à tout mais dont on se fout. Le développement psycho-affectif, tout ça, ça n’est pas le problème tant qu’ils connaissent leur table de 6?
Travailler oui, mais pas dans le chaos ni le mépris
Cela fait un an et demi que je vadrouille dans les écoles en temps de pandémie, c’est mon métier. Cela fait un an et demi que je vois, observe, prends la mesure des perturbations. Cela fait un an et demi que j’alerte, à mon échelle. Je tire des sonnettes et personne ne s’alarme. Personne ne va bien et devine un peu… Les enfants non plus. Une chose est sûre, cependant : mes collègues veulent travailler. Ils veulent faire leur métier. Mais pas dans le mépris. Pas dans le chaos. Alors non, il ne s’agit pas de perturber davantage le système. Il s’agit de dire stop. Et il était temps.
«Faut-il que vous soyez déconnectés complet de la réalité de terrain pour oser balancer une phrase pareille.»