Ils grimpaient en flèche depuis 2022. Mais la tendance est en train de s’inverser. Les taux d’intérêt des crédits immobiliers ont commencé à diminuer en février.

Ce mouvement est-il amené à se poursuivre ? C’est en tout cas ce que laisse présager la récente décision de la Banque centrale européenne (BCE) : l’institution monétaire de la zone euro a abaissé le 6 juin, pour la première fois depuis 2016, son principal taux d’intérêt directeur (- 0,5 point). Or, ce dernier détermine le prix auquel les banques peuvent avoir accès à des liquidités, et donc indirectement le taux auquel elles prêtent ensuite à leurs clients.

Toutefois, cette baisse reste très modérée puisqu’elle intervient après dix hausses consécutives qui ont eu lieu depuis l’été 2022, et qui avaient porté le principal taux de la BCE de 0 à 4,5 %. Par ailleurs, « d’autres éléments risquent d’annuler les effets de cette décision sur les taux d’intérêt », constate Eric Dor, économiste et directeur des études économiques à l’IESEG, citant notamment « le résultat des élections européennes et plus encore la dissolution de l’Assemblée nationale qui fait planer une grande incertitude sur la vie politique française ».

« La hausse reste pour l’instant contenue, mais le taux de rendement des obligations publiques de la France à 10 ans, sur lequel sont globalement indexés les crédits immobiliers, a tout de même dépassé 3,3 % le 11 juin, contre 3 % le 5 juin », décrit-il.

La BCE refuse également d’aller plus loin tant qu’elle n’a pas la confirmation que la hausse des salaires ne va pas alimenter une nouvelle vague d’inflation, notamment dans le secteur des services. La survenue d’une telle boucle « prix-salaires » est pourtant hautement improbable. De quoi laisser a priori de la place à des baisses de taux plus rapides.

A l’inverse, plusieurs éléments compliquent le retour de la BCE à une politique monétaire plus accommodante.

« Il subsiste des différences fortes d’inflation entre pays européens. L’est de l’Europe notamment a subi un choc énergétique beaucoup plus fort dont les séquelles sont encore visibles », explique Véronique Riches-Flores, économiste indépendante.

Alors qu’elle n’était que de 2,4 % en France en avril 2024, l’inflation pointait encore à plus de 6 % en Croatie ou en Autriche.

Par ailleurs, l’épisode inflationniste déclenché dans la foulée de la crise sanitaire et de la guerre en Ukraine tient à des moteurs indépendants de la BCE – rupture de chaînes d’approvisionnement, crise énergétique, etc. – dont personne ne peut garantir qu’ils sont désormais totalement éteints. Ce qui incite l’institution à la prudence.

Côté immobilier, par exemple, « les prix restent élevés mais ce n’est pas la BCE qui pourra agir dessus. Il faut une intervention publique sur les prix ou une augmentation de l’offre de logements », explique Eric Dor. Un problème d’offre qui engage avant tout la puissance publique et sur lequel la BCE n’a pas de prise, étant davantage outillée pour répondre à une inflation entraînée par une surchauffe de l’économie alimentée par un surcroît de demande.

L’ombre des Etats-Unis

Certains pointent également le risque, pour la BCE, de baisser ses taux avant la Fed, la banque centrale américaine, qui n’a pour l’instant pas franchi ce cap. Cela entraînerait le risque de déprécier l’euro et donc d’importer de l’inflation depuis les Etats-Unis.

« Il faudrait pour cela une baisse plus importante des taux en zone euro, nuance toutefois Eric Dor. Par ailleurs, deux tiers du commerce de la zone euro se fait entre pays membres, ce qui limite l’effet potentiel d’inflation importée. »

D’autant plus, ajoute Véronique Riches-Flores, qu’« il y a une prise de conscience que l’économie américaine ne tient que grâce à une série de déséquilibres, notamment en termes d’endettement, et cela fragilise le dollar ».

Aux Etats-Unis aussi, le maintien de taux élevés commence à poser question malgré la bonne santé apparente de l’économie américaine.

En mai, 272 000 emplois ont encore été créés outre-Atlantique. « Mais ces créations restent largement concentrées dans une poignée de secteurs », détaille Véronique Riches-Flores. En l’occurrence, l’éducation et la santé, la fonction publique ou encore les loisirs et l’hôtellerie/restauration, preuve « que la croissance américaine n’est ni particulièrement robuste ni équilibrée ».

Surtout, pour l’économiste, la progression des emplois et de la consommation dans le secteur des loisirs illustre la déconnexion entre, d’une part, les Américains des classes moyennes supérieures qui ont encore un matelas d’épargne hérité de la crise sanitaire et, d’autre part, ceux plus précaires qui subissent de plus en plus la hausse des taux des crédits maintenus élevés par la Fed.

« On constate une augmentation du taux de défaut sur les crédits à la consommation, et une augmentation du recours aux crédits instantanés via la carte de crédit. Cela montre que leur situation se dégrade », explique Florence Pisani, cheffe économiste chez Candriam Investors Group et spécialiste de l’économie américaine.

En clair, les taux d’intérêt sont sur une pente descendante, du moins en Europe, mais la suite du chemin risque de se faire lentement. En cause notamment, la difficulté des banques centrales, que ce soit la BCE ou la Fed, à adapter leur logiciel à une nouvelle donne économique et à prendre en compte les besoins différenciés de différentes catégories de population. Les risques sont connus : un risque de plomber l’activité, et par ailleurs de nuire au financement d’un certain nombre de projets essentiels, dont ceux liés à la transition climatique.

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