Une fantaisie de Louis GARREL – France 2021 1h07mn – avec Joseph Engel, Laetitia Casta, Louis Garrel, Lionel Dray… Écrit par Louis Garrel, Jean-Claude Carrière et Naila Guiguet.
Du 19/01/22 au 01/02/22
Ce n’est pas à proprement parler un film « pour enfants », mais c’est à voir en famille, dès 10 ans et sans limite d’âge
Avec son minois d’ange, Joseph se révèle être un futé garnement, qui a profité de ce que ses parents avaient le dos tourné pour faire le tri dans les penderies, les tiroirs, la bibliothèque, la cave, tout l’appartement – bref bazarder sur un site de vente entre particuliers tous ce que ses fortunés géniteurs avaient accumulé de signes extérieurs de richesse. Gentils et concernés au demeurant, les parents, Marianne et Abel (Lætitia et Louis) ont une belle conscience « de gauche », sont sensibles au vote « écolo », cuisinent du tofu et du quinoa bio – et lorsqu’ils ne s’atiffent pas de fringues qui sortent de chez les grands couturiers, s’habilleraient volontiers éco-responsable. C’est dire s’ils ne se sentent pas vraiment fautifs ni responsables de la grande dégringolade écologique planétaire en cours. Or donc, voilà-t-il pas que ces braves quadra socio-libéraux, qui payent à peu près leurs impôts, qui croient en la « croissance verte », qui envisagent sincèrement que l’Armageddon sera enrayé par le génie humain – ou n’adviendra que « plus tard », après eux (et si possible après leurs enfants) – se découvrent avec ahurissement dépouillés par leur descendance. Et pas pour s’acheter des caramels mous. D’ailleurs, la seule vente des éditions originales bradées par Joseph sur leboncoin aurait permis de racheter toutes les confiseries du XVIe arrondissement. Alors, se demandent avec effarement Marianne et Abel, pourquoi diantre leur rejeton, élevé au grain (sans OGM) et (quasi) en plein air, selon des méthodes d’éducation modernes, permissives au possible ; pourquoi ce gamin qui faisait jusque là la fierté de ses parents s’est donc transformé en Arsène Lupin du XXIe siècle ? Ne se départissant pas de sa bonne bouille, de son sourire entendu ni de la certitude de son bon droit, Joseph ne lâche pas le morceau et attend que passe l’orage. Mais pas question de rendre les sous. Quelques indices glanés par Marianne laissent entrevoir un dessein beaucoup plus large que la simple bascule d’un petit de bourgeois dans le brigandage des beaux quartiers. Les larcins de Joseph ne sont pas un cas isolé. Et l’épidémie semble même s’être répandue à l’échelle mondiale !
Sur le papier (glacé, évidemment), le film de Louis Garrel est aussi improbable que la section cannoise éphémère (!) dans laquelle il a été présenté au mois de juillet 2021 : « Le Cinéma pour le climat », sorte de cache-sexe ripoliné en vert, à faire pâlir de jalousie tous les Yann Arthus-Bertrand et Nicolas Hulot du monde, pour faire oublier la débauche de fric (et de carbone) que concentre cet événement cinématographique planétaire. Heureusement, La Croisade vaut beaucoup mieux que ça. Foutraque, bizarrement écrit, on y retrouve la patte malicieuse de Jean-Claude Carrière (c’est son ultime scénario), très sérieux dans son projet de conter la génération dite Greta Thunberg, tous ces gamins énervés par la colère et qui ne peuvent décemment plus s’en remettre à leurs aînés pour réorienter la marche catastrophique du monde. Et Louis Garrel a l’intelligence de le mettre en scène avec légèreté, sans se soucier de vraisemblance, en faisant preuve de beaucoup d’humour et d’autodérision – ce qui le sauve du pensum moralisateur. La croisade des enfants qu’il raconte est une petite flamme ténue qui ne prétend pas changer le monde – mais peut-être donner quelques idées à une génération que ses aînés ont sacrifiée. Et lui servir, un peu, de repère, dans un monde qui n’en a plus beaucoup. Pour résumer en deux mots : très chouette !
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