Sauf qu’à l’origine, le chou ressemblait plutôt à… un colza ou une moutarde. Son ancêtre le plus proche est une plante à fleurs, à l’apparence tout à fait lambda: une tige, des feuilles et des pétales. Les deux plantes sont très proches génétiquement, mais ne se ressemblent pas du tout. Comment est-on passé de l’un à l’autre? Comment les fractales du chou romanesco se forment-elles? Une équipe du CNRS vient de percer à jour ces mystères et publie ses résultats ce jeudi 8 juillet dans la revue Science.
“Le chou romanesco est en réalité formé par des bourgeons destinés à devenir des fleurs, mais qui n’atteignent jamais leur but. Au lieu de cela, ils se transforment en tiges qui à leur tour tentent de produire des fleurs et ainsi de suite”, explique le CNRS, dans un communiqué accompagnant la parution de ces travaux menés en collaboration avec l’École Normale Supérieure, l’Institut National de Recherche pour l’Agriculture et l’Environnement, l’Université Grenoble-Alpes et des universités du monde entier.
Le chou romanesco, un raté
Ainsi, le chou romanesco est en quelque sorte un raté, une fleur bloquée dans un état d’échec perpétuel. Au lieu de mourir ou de s’arrêter au stade de bourgeon, la plante relance sa production. Elle fait naître une tige et retente sa chance à l’infini. “La forme atypique du chou romanesco s’explique par le fait que ses tiges produisent des bourgeons de plus en plus rapidement (alors que le rythme de production est constant chez le chou-fleur). Cette accélération confère un aspect pyramidal à chacune des fleurettes et fait ainsi apparaître clairement l’aspect fractal de la structure”, détaille le CNRS.
Pour en arriver à cette conclusion, les chercheurs ont utilisé le génome d’Arabidopsis (une plante proche du chou ou de la moutarde)- entièrement décodé dans les années 2000, une “révolution” selon les articles de l’époque– et ont identifié parmi les séquences codant pour l’aspect physique de la plante, celles qui différencient les deux proches parents.
Ensuite, ils ont modélisé ce que ces morceaux d’ADN peuvent donner dans la vie réelle, grâce à des simulations informatiques et mathématiques qui permettent de prendre en compte les interactions entre les différents gènes responsables de l’apparence et de la vitesse de croissance de la plante.
Le “chihuahua des plantes”
Cette singularité, le chou n’en tirerait pas un avantage dans la nature: sa surface très grande et le temps passé avant de produire des graines en font une victime idéale pour les prédateurs comme les insectes et les bactéries. “Le chou romanesco est le caniche ou le chihuahua chez les plantes. Cette forme fractale n’aurait pas perduré dans un milieu naturel. C’est le résultat de milliers d’années de croisements et de sélections à l’aveugle, par nos ancêtres”, résume le biologiste François Parcy, un des auteurs de l’étude.
Autrement dit, cet aspect si singulier est un effet secondaire de la domestication par l’homme de cette plante, à une époque où la génétique n’existait pas. L’homme se contentait de conserver et replanter les plantes qui survivaient le mieux à la culture et qui avaient les meilleures propriétés gustatives. “L’homme a modifié la nature avec les yeux bandés. Sans faire exprès, on a créé des plantes qui possèdent des fragilités. On peut aujourd’hui envisager de repenser les espèces cultivées, car certaines de ces plantes sont loin d’être idéales”, affirme François Parcy.
Le chercheur à l’université Grenoble-Alpes espère que les travaux de son équipe seront utiles pour l’agriculture actuelle. Comprendre les plantes permet de mieux identifier leurs forces et leurs faiblesses, et ainsi de commencer à repenser certaines des ressources utilisées en agriculture.
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