En matière de sensibilité à la cause écologique, il est courant d’évoquer une jeune « Génération Climat » convertie à l’écologie radicale, reprochant aux « boomers » de n’avoir rien fait ou si peu pour sauver la planète.

Les « marches pour le climat », régulièrement organisées dans les grandes villes de France, ont, il est vrai, un profil souvent très juvénile. Mais au-delà de ces mobilisations, les attitudes des jeunes en matière d’environnement leur sont-elles spécifiques ?

Pour en savoir plus sur ce sujet étonnamment peu exploré, le sociologue Camille Peugny a exploité les données d’un sondage européen sur les valeurs, dans lequel les 18-29 ans étaient « sur-échantillonnés » (autrement dit surreprésentés dans l’échantillon), ce qui permet de comparer leurs réponses à celles des autres catégories d’âge et de repérer les variations des opinions environnementales en leur sein.

Le résultat le plus frappant est sans doute qu’on aurait le plus grand mal à identifier une spécificité « jeune » en la matière. « 22 % des 18-24 ans et des 25-29 ans considèrent que l’on exagère les menaces environnementales, contre 17 % des 30-44 ans et 24 % des 45-59 ans », note par exemple Camille Peugny.

De même, la proportion de 18-29 ans estimant qu’il faut donner la priorité à l’environnement « même au détriment de la croissance et de l’emploi » (55 %) est similaire à celle des générations âgées jusqu’à 60 ans.

Mais comme l’avait fameusement signalé Pierre Bourdieu, « la jeunesse n’est qu’un mot » qui masque les clivages internes à cette catégorie d’âge. La priorité donnée à l’environnement y varie fortement, par exemple, selon le statut d’emploi et, derrière, selon le niveau de diplôme :

« Parmi les moins diplômés, par exemple, 35 % pensent que beaucoup est exagéré quant aux menaces liées à l’environnement, alors que la proportion dépasse à peine 10 % parmi les diplômés de l’enseignement supérieur », écrit Camille Peugny.

On retrouve ce lien entre environnementalisme « fort » (donner la priorité à l’environnement sur toute autre considération) et niveau de diplôme à tous les âges.

Le chercheur note également, pour l’ensemble de la population, un effet « remarquable » de l’origine socioprofessionnelle qui, toutes choses égales par ailleurs, affecte significativement les attitudes vis-à-vis de l’environnement. Selon le sociologue, cela pourrait traduire, au-delà des déterminations matérielles, « un effet de la socialisation politique par la famille ».

Les plus de 60 ans se distinguent

De même, « il semble (…) y avoir un lien entre le rapport au monde et à autrui, et le score de préoccupation environnementale : se sentir appartenir à une communauté de destin élargie et avoir plutôt confiance dans les autres augmente la sensibilité à des questions qui, par définition, dépassent les existences et destins individuels ».

L’âge, lui, a beau être trituré statistiquement dans tous les sens, il n’agit pas comme variable significative pour expliquer les différences d’attitude environnementale.

La priorité donnée à l’environnement varie fortement selon le statut d’emploi et, derrière, selon le niveau de diplôme

Les 18-29 ans semblent donc, en moyenne, ni plus ni moins engagés pour l’environnement que leurs aînés, ce dont on pourra, au choix, se réjouir ou se désoler, en gardant en tête les limites d’une telle étude statistique (les données datent de 2018, par exemple, et les moins de 18 ans n’ont pas été interrogés).

Des limites que le chercheur reconnaît d’ailleurs lui-même. En fait, s’il y a une spécificité d’âge, pointe Camille Peugny, elle concerne les plus de 60 ans, « systématiquement en retrait » sur les questions écologiques quand on les compare au reste de la population.

« Par exemple, 25 % des 60-69 ans et 28 % des plus de 70 ans considèrent qu’il y a des choses plus importantes que la protection de l’environnement, contre 10 à 12 % des 18-59 ans », note-t-il.

Un tel clivage se retrouve en matière de stéréotypes de genre, d’immigration et, plus globalement, de libéralisme des mœurs, tous domaines où les plus de 60 ans – et en particulier les plus de 70 ans – se distinguent par leur conservatisme.

« A mesure que ces cohortes plus anciennes s’éloigneront dans le temps, il n’est pas impossible d’imaginer la disparition progressive de tout clivage d’âge du point de vue des valeurs, en tout cas jusqu’à l’émergence de nouvelles cohortes réellement porteuses d’un nouvel esprit du temps », conclut Camille Peugny.

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