Autant de sujets potentiellement délicats pour la République en marche. La majorité s’est déjà écharpée, à la fin du mois de février, sur le choix de la mairie de Lyon d’imposer des repas uniques sans viande -mais avec œufs et poissons- dans les écoles de la ville.
Deux camps se sont démarqués à cette occasion, certains élus (minoritaires) faisant bloc autour de la ministre de la Transition écologique Barbara Pompili quand d’autres (plus nombreux) se rangeaient, avec plus ou moins d’aigreur à l’égard de la numéro 3 du gouvernement, derrière le ministre de l’Agriculture Julien Denormandie.
Comme un tour de chauffe à l’examen de la loi “Climat et résilience”? “On peut ‘glyphosater’ une demi douzaine de fois”, admet un député marcheur à franceinfo, en référence à l’interdiction du pesticide qui avait fracturé la majorité en 2019. Ce texte, vu comme l’un des derniers projets de loi d’ampleur du quinquennat, pourrait effectivement provoquer de nouveaux remous au sein de la Macronie.
Des discussion verrouillées?
Sur la forme, déjà, l’organisation des discussions ne convainc pas grand monde. Concrètement, la commission spéciale de l’Assemblée va plancher deux semaines sur le projet du gouvernement auquel s’ajoutent 5000 amendements des parlementaires.
C’est le texte le plus dense qu’on va voter, ses enjeux sont colossaux et pour des raisons de politique interne on va passer à côté.”Un député LREM impliqué dans les questions environnementales
Les députés de gauche, à l’image de l’ancienne ministre Delphine Batho accusent la majorité de vouloir verrouiller le débat en refusant de nombreuses propositions sous le motif d″irrecevabilité”. Pour elle, le temps de discussion accordé à ces questions est d’ailleurs ”ridiculement court” pour la flopée d’amendements déposés. Elle est loin d’être la seule à s’inquiéter de la tournure des événements.
“C’est le texte le plus dense qu’on va voter, ses enjeux sont colossaux et pour des raisons de politique interne on va passer à côté”, regrette, par exemple, un député LREM impliqué dans les questions environnementales en pointant le casting autour de cette commission spéciale: “quand on voit l’équipe qui a été choisie, il y a de quoi être inquiet. Ils ont choisi des profils pour cadenasser les choses et pas pour faire avancer le texte.”
Pour l’élu, la présence de son collègue Jean René Cazeneuve, député marcheur du Gers et membre de la commission des finances, comme rapporteur général est un révélateur: “c’est plus un anesthésiste qu’un accélérateur.” “Au dernier moment ils ont choisi Jean René Cazeneuve au prétexte qu’il s’y connaissait, alors qu’il ne s’y connait en rien”, peste-t-il, ajoutant sur le même ton: “quand on voit qu’ils ont casé Aurore Bergé, alors qu’elle n’a rien suivi des travaux de la Convention et qu’elle n’y connait que dalle, il y a de quoi tomber de l’armoire…” Ambiance.
L’écologie source de conflits en Macronie
Des critiques que balaie Roland Lescure, le président LREM, de la commission des Affaires économiques à l’Assemblée. Pour lui, le casting est au contraire “très bon”, “parce que justement le rapporteur va jouer le chef d’orchestre sans jouer du violon à la place du violoniste. Il va pouvoir piloter ça en apparaissant ni trop vert ni pas assez.”
Cela ne va pas être facile, il y aura des milliers d’amendements. Tout cela se fera à marche forcéeRoland Lescure, député LREM des Français de l’étranger
Seul bémol pour le député des Français de l’étranger, le temps imparti pour les discussions: “cela ne va pas être facile, il y aura des milliers d’amendements. Tout cela se fera à marche forcée”, reconnaît-il.
Car sur le fond, les marcheurs tendance écolo comptent bien faire entendre leur musique et pousser l’ambition du texte sur tout un tas de sujets. Certains aimeraient notamment des mesures plus fortes sur la rénovation thermique globale des logements ou l’encadrement de la publicité, alors que le texte interdit uniquement la publicité pour les énergies fossiles. La lutte contre l’artificialisation des sols promet aussi d’être âprement discutée avec quelques centaines d’amendements sur le sujet, oppositions comprises.
En somme, les deux camps qui se sont dessinés à l’heure de la polémique sur les cantines lyonnaises se retrouveront en commission, puis dans l’hémicycle. Avec les tenants d’une politique dite “pragmatique” d’un côté et ceux qui veulent aller plus loin dans la transition écologique de l’autre. “Quand le Président a prononcé le terme d’Amish, (…) il a montré qu’il y a deux sortes d’écologie: une qui réconcilie écologie et économie et une écologie punitive qui met des pierres dans le sac à dos des entreprises”, résume ainsi, à sa façon, un député LREM à la Dépêche du Midi.
″Ça va partir en sucette”
Dans l’opposition, nombreux sont les élus à attendre impatiemment de pouvoir, justement, mettre le gouvernement et sa majorité face à leurs contradictions. “Avec Batho et compagnie, ça va partir en sucette”, prédit un marcheur à ce sujet. Sur Twitter, le député écolo Matthieu Orphelin, ex-LREM, a déjà exhumé une vidéo de son ancienne collègue Laurence Maillart, la présidente de la commission spéciale, laquelle sous-entend que les citoyens de la Convention étaient sous “l’influence des lobbys”. Voilà qui annonce la couleur.
Au milieu, Barbara Pompili -qui a perdu plusieurs arbitrages sur son propre texte- a prévenu, le 25 février dernier, dans un entretien au site d’informations écolos Reporterrequ’elle “n’acceptera aucune baisse d’ambition” lors des discussions au palais Bourbon… au risque de se faire recadrer publiquement par le président de l’Assemblée nationale, Richard Ferrand.
La ministre qui a déjà agacé plus d’un marcheur “loyal” quand elle a créé son courant “En commun” avec le député Hugues Renson avant d’être nommée au gouvernement n’est pour ainsi dire pas attendue avec un tapis de rose au Palais-Bourbon.
A l’extérieur du Palais-Bourbon, c’est encore plus hostile. Après les oppositions politiques, ce sont les instances et autres ONG spécialistes des questions environnementales qui pilonnent tour à tour le projet de loi “Climat et résilience.” “Les citoyens ont travaillé pendant un an, le gouvernement a rendu sa copie en trois mois et nous on va travailler en trois semaines en séance publique”, constate un marcheur sensible à l’écologie, avant de souffler: ”ça montre le niveau d’ambition.”
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