À l’occasion de la sortie de son documentaire Les nouvelles Guérillères, VICE a posé quelques questions à sa réal’ sur son travail et les mouvements féministes bruxellois.
VICE : Salut Elisa, tu peux nous parler de la démarche de ton docu ?
Elisa : J’ai contacté les collectifs en mai et j’ai fini de le monter à la mi-novembre. Ce projet a vraiment sauvé mon confinement.
Le titre Les nouvelles Guérillères, c’est une ref à Monique Wittig ?
Oui. Elle a écrit le roman Les Guérillères en 1969. Ça parle d’une communauté de femmes qui ont fui l’homme pour se reconstruire et vivre leur propre réalité. Mais les Guérillères de mon docu, elles restent et se battent pour se réapproprier l’espace public.
Cette notion d’espace public est un élément important de ton projet, mais ce qui est frappant aussi, c’est que c’est un récap’ de tous les combats qui ont marqué 2020.
Oui, en fait ce docu est né suite à un appel à projet sur l’espace public. Donc cette question reste présente, mais tout a évolué au cours du tournage, notamment grâce ou à cause des événements de 2020 : la mort d’Adil, de George Floyd, le mouvement Black Lives Matter et la manif Hijabis Fight Back (qui a d’ailleurs porté ses fruits cette année, NDLR.), etc. L’actu a vraiment rythmé et légitimé mon travail.
« Les violences policières sont directement liées aux questions raciales et d’identité. Tout s’imbrique. »
Autre élément touchant : elles se suivent et encouragent toutes mutuellement. Y’a une forme de sororité entre ces collectifs ?
Elles se battent chacune de leur côté mais tout se rejoint. Par exemple, La Fronde colle des affiches pour les voilées, donc t’as un lien direct avec les actions d’Imazi Reine, pourtant elles ne se concertent pas. Chacune agit à sa manière en réagissant notamment sur l’actualité, et au final, elles sont sur le même front.
Toutes prônent un féminisme intersectionnel et décolonial. Toutes sont dans le même état d’esprit : le respect de tous les gens. En gros, peu importe le combat dans lequel elles se sont spécialisées, toutes tiennent le même discours. C’est assez fort.
Y’a aussi cet état d’esprit anti-flics en commun, qui, à première vue, ne semble pas être directement lié au féminisme.
Oui. Laisse Les Filles Tranquilles en est un bon exemple. Au début, leur combat était ciblé : elles combattaient le harcèlement de rue. Mais au bout d’un moment, elles ont réalisé qu’elles ne pouvaient pas se battre pour les femmes sans inclure toutes les autres causes. Toutes les discriminations. Et oui, les violences policières sont directement liées aux questions raciales et d’identité. Tout s’imbrique.
« La déconstruction peut se faire sur les réseaux, mais il faut rester critique. »
L’activisme a pris énormément de place sur les réseaux. On peut citer le #BlackOutTuesday comme exemple frappant de démarche où tout le monde a voulu contribuer, mais qui s’est avéré être contre-productive au final. L’activisme en ligne peut être qualifié de performatif. C’est quoi ton avis sur la question ?
Pour moi, c’est important que cet activisme ait lieu. Si tu regardes le nombre d’abonné·es qu’on Laisse Les Filles Tranquilles ou Imazi Reine, et ça montre qu’on a besoin de ça. Les gens veulent s’éduquer et les réseaux sociaux sont devenus un canal important à ce niveau-là.
Pour ce qui est du carré noir ou autre filtres sur les photos de profil. Je pense que pour les personnes qui le font, ça part d’un bon sentiment, mais beaucoup le font simplement par mimétisme. Ça perd tout son sens. Faut surtout se renseigner.
Instagram est-il une source d’information, voire de déconstruction pour toi ?
Oui, les deux. Insta permet non seulement aux activistes de toucher beaucoup de gens, mais aussi aux utilisateur·ices d’être confronté·es à des avis différents. Faut regrouper les infos et aller lire les avis adverses. La déconstruction peut se faire sur les réseaux, mais il faut rester critique.