INTERNATIONAL – Le Mossad a-t-il assassiné l’éminence grise du secteur nucléaire iranien? Si oui, pourquoi? Et comment l’Iran pourrait-il se venger de l’État hébreu? En Israël, les questions fusent ce dimanche 29 novembre sur la mort aux allures de polar de Mohsen Fakhrizadeh.
Le scénario pourrait tenir de la nouvelle série israélienne “Téhéran”, où des agents du Mossad (les services secrets, NDLR) en mission en Iran ciblent le secteur nucléaire de ce pays accusé par l’État hébreu de chercher à se doter de l’arme atomique. Il pourrait aussi être transposé à l’écran par la chaîne américaine HBO, qui a acheté les droits de l’enquête à succès “Rise and Kill first”, du journaliste israélien Ronen Bergman.
Vers la fin de cet ouvrage de plus de 700 pages sur “l’histoire secrète des assassinats ciblés par Israël”, Ronen Bergman évoquait le cas de Fakhrizadeh en ces mots: “Les Iraniens ont pris conscience que quelqu’un tuait leurs scientifiques et ont commencé à les protéger attentivement, en particulier le chef du projet d’armements, Mohsen Fakhrizadeh, considéré comme le cerveau du programme” nucléaire.
Et, dimanche, le journaliste-écrivain a lié le possible assassinat de Fakhrizadeh par le Mossad à des milliers de documents subtilisés par Israël à l’Iran en 2018.
“Souvenez-vous de ce nom”, Fakhrizadeh
A l’époque, le Premier ministre Benjamin Netanyahu s’était félicité de la découverte de ses documents fournissant, selon lui, des détails relatifs à un plan iranien visant à produire cinq têtes nucléaires. En conférence de presse, il avait mystérieusement lâché: “souvenez-vous de ce nom”, en référence à Mohsen Fakhrizadeh.
Ces documents indiquent “clairement pourquoi le Mossad le voulait mort et pourquoi Netanyahu avait déclaré: ‘souvenez-vous’ de ce nom”, écrit dimanche Ronen Bergman dans le quotidien israélien Yediot Aharonot.
Ils prouvent que Mohsen Fakhrizadeh était un “docteur Folamour iranien” (une référence au film de Stanley Kubrick), le “cerveau derrière la partie militaire du programme militaire” de Téhéran, a ajouté le journaliste. Mais assassiner un tel homme ne se fait pas en “pressant un bouton” et demande des “mois, voire des années” de préparation, avance-t-il.
Le président iranien Hassan Rohani a accusé Israël, ennemi juré de la République islamique, d’avoir orchestré cette attaque et de jouer les “mercenaires” au profit des Etats-Unis, dont des responsables ont indiqué sous couvert d’anonymat au New York Times que l’État hébreu était bien à l’origine de l’attentat. Et Téhéran a promis des représailles.
Le précédent Soleimani
En janvier, les États-Unis de Donald Trump avaient revendiqué l’assassinat du général Qassem Soleimani, artisan de la stratégie régionale de l’Iran, ce qui avait mené à des frappes iraniennes contre des sites américains en Irak.
“Cette fois-ci, personne n’a revendiqué. Tout cela fait partie d’une guerre secrète: ils (les Iraniens) pourraient repousser les représailles aux derniers jours de l’administration Trump afin de ne pas lui permettre d’utiliser cette riposte pour lancer une attaque” directe contre l’Iran, estime Amos Yadlin, ex-chef du renseignement militaire israélien dans un échange en ligne avec des journalistes.
Téhéran pourrait cibler des scientifiques israéliens, utiliser des “supplétifs” comme le Hezbollah libanais pour attaquer l’État hébreu, “lancer des missiles depuis l’Iran”, ou viser des ambassades israéliennes à l’étranger, a poursuivi Amos Yadlin, alors que la diplomatie israélienne a renforcé la sécurité de ses ambassades, selon la presse locale.
Le ministre des Affaires étrangères Gabi Ashkenazi, qui devait se rendre cette semaine à Bahreïn -pays majoritairement chiite qui vient de normaliser ses relations avec l’Etat hébreu- a annulé sa visite, a appris dimanche l’AFP de sources diplomatiques qui n’ont pas épilogué sur les causes de cette annulation.
L’assassinat de Mohsen Fakhrizadeh intervient juste après une tournée au Moyen-Orient du secrétaire d’Etat Mike Pompeo et à l’heure où les Etats-Unis se préparent à la passation de pouvoir, en janvier, entre Donald Trump et Joe Biden, qui a signalé son intention de reprendre le dialogue avec Téhéran.
Pour le journal israélien Haaretz, tout cela ne tient pas du hasard: “Le timing de l’assassinat, même s’il a été déterminé par des considérations purement opérationnelles, est un message clair” à Joe Biden. Il montre, selon le quotidien, l’opposition d’Israël ”à un retour à l’accord sur le nucléaire”, signé en 2015 sous la présidence de Barack Obama, puis dénoncé par Trump.
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