Pour ce faire, le président de la République met les petits plats dans les grands. Il a reçu, dans un premier temps, une importante délégation, composée de quelque 1000 élus, ce mercredi 17 novembre au soir à l’Élysée, avant de clore leur grand raout ce jeudi à la porte de Versailles de Paris.
Un tango en deux temps qui tranche avec les premières années du quinquennat. Copieusement hué pour son discours en 2017, Emmanuel Macron avait boycotté ce rendez-vous pourtant rituel dans la sphère politique l’année suivante. Mais à quelques encablures de la présidentielle, il n’est plus question de négliger ces élus tendance “ancien monde”.
Cajoleur
Désormais, nous dit l’Élysée, il s’agit, pour le chef de l’État, de “remercier les maires pour leur rôle” durant la pandémie, de parler de son “ambition pour les territoires” et de “dessiner des perspectives liées aux enjeux” qui les attendent. Comprendre: le discours d’Emmanuel Macron devrait mêler satisfecits, projections vers l’avenir et besoin de décentralisation.
Un dernier thème que l’exécutif n’a pas été très prompt à porter, au grand dam de ces édiles, souvent loués comme des rouages essentiels de la vie publique.
Plus largement, la relation entre les élus locaux et le président de la République a commencé sous le signe d’une franche hostilité, née de la méfiance initiale de la majorité pour ces élus de terrain, avivée par l’annonce d’emblée de la suppression de la taxe d’habitation, et entretenue par la campagne #BalanceTonMaire, lancé, en 2018, par des comptes de la Macronie, pour dénoncer ceux qui relevaient leur taxe.
Une grande occasion manquéePascal Perrineau, politologue, sur Public Sénat
Ce lien était “compliqué”, “mauvais”, selon le résumé de Pascal Perrineau, même “par rapport aux autres présidents de la République.” Le politologue, invité, mardi 16 novembre, de la chaîne Public Sénat, voit en ces relations houleuses des questions presque “culturelles” pour un président de la République “qui n’avait aucune expérience d’élu local.”
“C’est un homme qui vient de la haute fonction publique. Il est l’expression de cette culture qui regarde parfois un peu de haut la politique locale, qui serait le terrain d’intérêts politiques ou périphériques”, estime-t-il, en qualifiant le quinquennat Macron “de grande occasion manquée” pour les territoires: “Le nouveau monde aurait pu être un acte III audacieux de la décentralisation. On n’en a pas vu l’ombre.”
Un lent réchauffement (de circonstance)
Malgré cela, la relation entre le président de la République et les maires s’est lentement réchauffée… au fil des grandes crises du quinquennat. C’est sur eux, en partie, que le chef de l’État s’est appuyé pour mener son “grand débat”, en 2019, en réponse à la fronde des gilets jaunes. Un échelon alors choisi pour mieux atteindre les Français et amortir leur colère.
Depuis, Emmanuel Macron ne cesse de déclarer son amour aux communes et à leurs édiles, répétant, à l’envi, qu’il a besoin d’eux. “Rien ne se fera sans vous”, leur lançait-il au Congrès de 2019, avant même que la crise sanitaire ne renforce leur rôle, déterminant pour faire respecter des mesures restreignant les libertés. Preuve en est, le gouvernement s’est régulièrement attaché à vanter les vertus du “couple maire-préfet” dans la gestion de la pandémie, même si les décisions venaient (très) souvent tout droit de l’Élysée.
Et pour 2022, rien ne se fera sans eux non plus? Force est de constater que le chef de l’État a d’autant plus besoin de leur appui, quelle que soit leur étiquette politique, que les maires LREM restent une rareté: son jeune parti, sans implantation locale, a été laminé aux municipales de 2020.
À cinq mois de l’élection présidentielle, à l’heure où la Macronie espère de nouveaux ralliements, l’opération séduction d’Emmanuel Macron revêt, donc, une importance toute particulière. Mais suffira-t-elle pour sceller définitivement cette réconciliation? “La plaie n’a pas encore été soignée…”, regrettait Franck Louvrier, mardi 16 novembre, sur Public Sénat, dans les coursives du Congrès. Et le maire Les Républicains de La Baule d’ajouter: “À quelques mois de l’élection, la crédibilité du discours du président sera de toute façon très faible.”
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