ENVIRONNEMENT – Organiser nos conférences de rédaction sur Zoom, mener nos discussions éditoriales sur Slack, enregistrer les brouillons de nos articles sur Google Drive, envoyer nos reportages vidéo via WeTransfer, s’équiper de nouveaux ordinateurs portables pour télétravailler, diminuer la résolution de nos vidéos sur Dailymotion pour moins encombrer la bande passante…
Ces derniers mois, la crise du coronavirus et le travail à distance nous ont poussés à intensifier la vie digitale de notre média qui a déjà pour particularité d’être 100% numérique. À côté de cela, jamais la question environnementale n’a pris autant de place parmi les sujets que traite Le HuffPost.
En 2020, dans nos esprits, transition énergétique et transition numérique se sont alors percutées. Et nous nous sommes posé ces questions : à quel point pollue-t-on en tant que média numérique ? Quand de plus en plus d’entreprises font le bilan carbone de leur activité “physique”, quel est notre bilan carbone numérique ?
Il nous a toujours semblé évident que nos articles en ligne coûtent moins à la planète que le papier des journaux, que la dématérialisation de nos échanges est plus économe que de faire des kilomètres en transport… Mais face à l’urgence climatique, est-ce que cela est suffisant ? S’il n’est pas question de revenir en arrière, pourrait-on faire autrement ou faire mieux pour être à la fois “numériques” et “responsables”?
En entamant cette réflexion, à la fois éditoriale et interne à notre entreprise de presse, nous avons rapidement pris conscience que le numérique n’a rien d’“immatériel”. Le secteur dans lequel nous travaillons serait responsable aujourd’hui de 4% des émissions mondiales de gaz à effet de serre à l’échelle mondiale (et de 2% en France). Et la moitié de ces émissions (et peut-être encore plus pour la France) serait due à du “matériel” justement : nos équipements (ordinateurs, smartphones et autres objets connectés) représenteraient 47% des émissions de gaz à effet de serre générées par le numérique selon un récent rapport de l’Ademe.
Voici quelque chose de tangible sur lequel agir, mais le chemin de notre média vers ce que certains appellent aussi la “sobriété numérique” est long et parsemé d’embûches. Nous le découvrons à chaque étape du processus: le sujet est encore flou, les indicateurs sans cesse remis en question, les fausses bonnes idées sont légion et à notre échelle (une rédaction de 35 journalistes dans un secteur en crise), c’est un peu David contre Goliath. Mais cela rend le sujet plus passionnant encore. Malgré les tâtonnements actuels, nous sentons que nous sommes aux prémisses d’une question qui deviendra, d’une technologie à l’autre, d’une génération à l’autre, de plus en plus prégnante.
Pour poser les bases de ce grand chantier, nous nous sommes entourés de spécialistes et avons commencé à poser des questions. Le géant de l’industrie Engie qui travaille aussi sur ce sujet a souhaité devenir partenaire de notre démarche.
En septembre, nous avons organisé une table ronde (en visioconférence, on ne se refait pas). Elle a réuni des membres de la rédaction concernés par le sujet, motivés à l’idée de l’explorer professionnellement et personnellement. Plusieurs experts du numérique responsable nous ont permis de comprendre les clés de notre empreinte carbone numérique et de découvrir de bonnes pratiques pour travailler à distance ou encore optimiser notre site web.
Après cet atelier, nos rencontres et nos recherches, il nous est apparu que :
• Face à ce sujet émergent, faire prendre conscience de l’impact du numérique au sein de notre média et auprès de ceux qui le lisent est un bon début. Dès aujourd’hui, notre rédaction va s’employer à publier une série d’articles, podcast et vidéo pour entamer la discussion sur l’empreinte carbone numérique avec nos lecteurs. Notre objectif: permettre à chacun·e de réaliser que l’empreinte carbone digitale est un sujet en devenir et donner les clés pour agir (vraiment) à ceux qui le souhaitent. Nous le ferons sans pour autant culpabiliser ou donner des leçons. C’est primordial à nos yeux.
• Les victoires ne seront pas forcément là où on le pense. Si l’idée de réduire nos emails était une piste séduisante parmi d’autres (qui ne voudrait pas supprimer tous ses courriels non lus et sauver la planète du même coup?), cela fait partie de fausses bonnes idées. C’est même étonnamment contre-productif comme vous pouvez l’entendre dans cet épisode de notre podcast “L’enver(t) du décor”! Notre levier d’action principal concerne le matériel que nous utilisons pour travailler chaque jour. En concertation avec la Direction des Services d’Information du groupe Le Monde nous réfléchissons aux labels verts et indices de réparabilité à prendre en compte dans l’achat et le renouvellement de nos appareils. Nous sommes fiers d’appartenir à un groupe de médias où réparation et recyclage font déjà partie du quotidien des équipes et nous sommes prêts à aller plus loin.
• Après s’être attaqué à notre équipement, pour savoir où agir en priorité, il nous faut “compter”. Nous nous associons donc à la société de conseil EcoAct pour mener un audit de l’empreinte carbone numérique du HuffPost et trouver d’autres solutions ensemble.
• Optimiser et écoconcevoir notre site web permettra non seulement à nos lecteurs de charger nos articles plus rapidement, mais cela économisera également des ressources serveur. Nous avons déjà engagé plusieurs actions en ce sens et continuerons d’y travailler dans les mois à venir.
Mettre à plat nos usages les plus polluants et en changer dès que cela sera possible, voilà notre horizon.