Les visages sont radieux, prêts à la fête malgré l’averse. A quatre jours du premier tour des législatives, des centaines de jeunes répondent à l’appel d’Alternatiba et de l’ONG Le mouvement. Une déambulation dans Paris se met en branle au son des DJ sets, venus balancer de la house underground et un mot d’ordre: « Party for everyone respecting mother nature » (une fête pour tous ceux qui respectent mère nature). En ce mercredi 8 Juin pluvieux mais festif, la « teuf nomade » démarre sur les quais de Seine avec l’espoir de rejoindre l’Assemblée Nationale. Les participants brandissent des affichettes avec l’inscription « des députés pour le climat» et répètent que « la démocratie est une fête ». « Le mouvement climat est joyeux, même si la lutte est dure » explique au Média l’activiste d’Alternatiba, Gabriel Mazzolini. La banderole affiche « objectif 289 », le nombre de députés nécessaires pour avoir la majorité absolue.
Ces militants se réunissent pour manifester leur désir de voir accéder à la députation des élus qui relaient les luttes écologistes, et se battent pour la justice climatique. Parce qu’en effet, au soir du 19 Juin, des candidats issus du mouvement climat et des luttes locales tenteront de gagner les élections législatives. Une séquence qui, ils l’espèrent, clôturera cinq années de désillusions pour les écologistes. Teissïr Ghrab, l’une des portes-paroles de l’événement le rappelle au mégaphone: « J’ai passé cinq années de merde et il n’y aura pas de politiques sans nous. Je veux des députés qui votent des lois pour le climat ! ». « Le vote, c’est l’un des outils » enchaîne Marie Cohuet, l’autre porte-parole. Quelle que soit la prochaine majorité, les activistes qui ne soutiennent officiellement aucun candidat, pensent déjà à l’après. « Il va falloir donner du sens politique à tout cela, le mouvement climat a radicalisé la politique, on a une influence sur le vote et les programmes» précise Gabriel Mazzolini. « Oui, on a du pouvoir. La présidentielle a été un coup dur pour le mouvement climat mais là il y a de l’espoir, sans être naïf sur le vote. Il faudra mobiliser, faire des grèves, créer des alternatives, mais avec certains députés qui acceptent de travailler avec nous, ce sera plus facile, car jusque là on parlait à des murs. Il nous faut des gens qui ont les mêmes préoccupations que nous » explique Marie Cohuet.
“Fin du monde, fin du mois, même combat”
Une ancienne d’Alternatiba a décidé de franchir le Rubicon. Lumir Lapray est candidate dans l’Ain, un territoire industrialisé et péri-urbain dans lequel parler d’écologie ne va pas de soi. La candidate veut justement montrer que « fin du monde et fin du mois sont le même combat ». Investie par la Nouvelle Union Populaire Écologique et Sociale (NUPES), Lumir Lapray revient sur ses terres natales en briguant le mandat de députée. Un pari plutôt réussi, puisqu’elle se qualifie au second tour avec 25,42 % des voix. Celle qui prône l’écologie populaire insiste fortement durant l’interview, rappelant régulièrement que la responsabilité est collective et non individuelle. Pour elle, ce ne sont pas des petits gestes mais une réforme du système de production, de financiarisation et de partage des richesses dont la planète a besoin. « Plus on est riche, plus on consomme. Les inégalités favorisent le dérèglement climatique » précise l’Aindinoise. Elle veut faire du parlement une tribune pour désigner les responsables : les milliardaires, ceux qui polluent et s’accaparent. Très entourée dans son équipe par des gilets jaunes, elle ne cache pas son amitié avec Priscillia Ludosky, figure du mouvement populaire contre la taxe du carburant et qui la soutient dans cette campagne. Les références aux marches de 2018 sont omniprésentes dans son discours. Elle avance une « écologie positive pour plus de bien-être » et ne décolère pas en rappelant la politique d’Emmanuel Macron: « S’il y avait eu des gens normaux à l’Assemblée Nationale il n’y aurait pas eu de taxe carbone car n’importe qui aurait dit que ça n’allait pas passer, c’est délirant. Il y a un enjeu de priorisation, en désignant qui pollue et qui paye. Il faut que ce soit les vrais responsables ». Et de lier justice sociale et justice environnementale. « Ce n’est pas en empêchant quelqu’un de prendre une voiture qu’on fait de l’écologie. Ici on ne peut pas se déplacer sans, les gens n’ont pas le choix et on doit se déplacer de plus en plus loin pour aller au travail » précise-t-elle, en pointant la déconnexion des politiques qui ne répondent pas aux enjeux structurels.