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Le système de dépistage anti-Covid résistera-t-il au variant Omicron? (Photo d’illustration de personnes faisant la queue pour se faire dépister en pharmacie contre le Covid le 5 janvier 2022 à Clermont-Ferrand. Par Adrien Fillon/NurPhoto via Getty Images)

COVID – Les pharmacies et laboratoires français font face à une sacrée pagaille ces dernières semaines face au tsunami de cas liés au très contagieux Omicron. Et ce, davantage ces derniers jours avec la rentrée scolaire et les protocoles qui s’y appliquent. Face à son système de dépistage qui vacille, le gouvernement tente des ajustements pour alléger la pression. Mais pour les biologistes et pharmaciens en première ligne, ces adaptations ne sont pas encore à la hauteur de l’implacable Omicron.

C’était une crainte dont avait fait part le Conseil scientifique le 23 décembre, il semblerait que la “désorganisation” de la société liée à ce variant à haute contagiosité soit déjà en marche. Tout du moins en ce qui concerne notre système de dépistage. Files d’attente interminables, impossibilité de trouver des créneaux pour se faire tester, retard dans la livraison des résultats… De quoi perturber la vie des Français qui ne peuvent parfois pas se rendre au travail ou aller à l’école sans le précieux sésame prouvant qu’ils sont négatifs. 

Pourtant, pharmaciens et biologistes carburent: selon Santé Publique France, rien que pour la journée du 3 janvier (dernières données en date), 1,9 million de personnes se sont fait tester et plus de 2 millions de tests ont été effectués en France (cette différence est liée au comptage des tests PCR réalisés pour confirmer les résultats positifs faits par antigéniques). Mais cela n’est pas encore suffisant. 

“On sature, on n’y arrive plus!”, alerte Pierre-Olivier Variot, président de l’Union de syndicats des pharmaciens d’officine auprès du HuffPost. “On doit faire face à des quantités de tests énormes, ça ne peut pas durer”, prévient-il. Même son de cloche du côté de François Blanchecotte, président du syndicat des biologistes: “Si vous faites péter le système, plus rien ne marchera, et c’est ce qui va se passer si on continue”, s’inquiète-t-il.  

Marche arrière sur certains protocoles 

Une situation qui n’a pas échappé au gouvernement. Ce dernier a d’ailleurs fait marche arrière sur plusieurs protocoles ce vendredi 7 janvier. 

Le ministère de l’Éducation nationale a en effet annoncé un léger assouplissement dans le protocole de rentrée. Les élèves n’auront plus à réaliser un nouveau parcours complet de dépistage si un nouveau cas positif apparaît dans leur classe dans un délai inférieur à sept jours après un premier cas. Depuis le 3 janvier, si un cas positif au Covid-19 est détecté dans une classe, tous les élèves doivent faire trois tests en quatre jours. Le premier test négatif leur permet de revenir en classe. Puis ils doivent réaliser deux autotests gratuits fournis en pharmacie à J+2 et J+4. Depuis la rentrée, 47.453 élèves ont été déclarés positifs et 9202 classes ont été fermées, selon le ministère.

Autre changement qui peut concerner tout le monde: il n’est plus conseillé aux personnes testées positives au Covid-19 avec un test antigénique de réaliser un test PCR de confirmation. S’il a été réalisé avec un autotest en revanche, il est bien conseillé de le confirmer par un test antigénique ou PCR pour que le résultat, s’il est positif, figure sur Sidep. 

Le protocole évolue aussi dans les laboratoires. Depuis le jeudi 6 janvier, le ministère de la Santé les a autorisés à ne cribler que 25% des tests positifs, contre 80% auparavant. “En raison de l’augmentation très importante de la circulation virale, de la prédominance du variant Omicron et des tensions sur l’offre de dépistage ces dernières semaines, résultant d’un accroissement de la demande de tests et de tensions en ressources humaines, la stratégie de criblage évolue”, a ainsi annoncé aux professionnels de santé Jérôme Salomon. Un changement qui leur fera ainsi économiser un temps considérable. 

Faire face au “manque de bras” et à la “violence” de certains patients

Est-ce suffisant? “C’est bien, mais pas encore assez”, regrette Pierre Olivier Variot. Car que ce soit du côté des biologistes ou des pharmaciens, ce qui pèche par-dessus tout, c’est le “manque de bras”. “C’est bien d’avoir les instruments, mais si on n’a personne pour les utiliser ça devient compliqué”, résume François Blanchecotte. Une carence qui ne s’explique pas seulement par les contaminations au Covid des personnes concernées. 

Nos deux interlocuteurs évoquent les démissions en cascades dans les laboratoires et pharmacies à cause d’une pression trop grande. “Ils n’en peuvent plus, cela fait 2 ans qu’ils sont poussés à bout, que les conditions de travail sont intenables. Ils sont usés”, nous explique Pierre-Olivier Variot.

Et ce sans compter les relations avec les patients qui peuvent parfois être très tendues. Le président du syndicat des biologistes, François Blanchecotte, nous fait ainsi part des violences verbales et parfois physiques dont ils sont victimes.

“On comprend les patients qui sont inquiets, qui attendent d’être testés ou leurs résultats, qui ont parfois posé une journée de congé pour avoir leur créneau. Et eux aussi peuvent être compréhensifs quand il y a du retard. Mais on peut aussi tomber sur certains patients qui ne comprennent pas et s’en prennent au personnel. On m’a déjà fait part de la présence de vigiles dans des laboratoires à cause de cela”, s’indigne-t-il. 

Ceci aussi, le gouvernement l’entend. Pour palier le manque de personnel dans les laboratoires, un arrêté a été publié dans le Journal Officiel ce vendredi 7 janvier pour autoriser les étudiants biologistes à venir prêter main-forte aux laborantins. Ils pourront ainsi réaliser les tests, le temps que la situation se stabilise pendant cette 5e vague.

En revanche, pour ce qui est des pharmacies, difficile de prévoir une aide de plus. “Les élèves pharmaciens nous aident déjà, note auprès du JDD Philippe Besset, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France. Ce qu’on avait demandé et ce qui n’a pas été possible, c’est de faire une coopération avec les infirmiers. L’ordre des infirmiers y est opposé et le gouvernement n’a jamais tranché”. Pour Pierre-Olivier Variot, il faudrait surtout que les autres professions de santé “s’y mettent aussi vraiment de leur côté” afin de répartir la tâche. 

Sidep fait des siennes et ralentit le système 

Des ajustements pour soulager le système, autoriser plus d’aides aux laboratoires… Voilà qui devrait apaiser les tensions. Enfin, seulement si le dernier maillon de la chaîne, la plateforme Sidep, le veut bien. Parce que les blocages ne viennent pas que de la réalisation des tests en elle-même. Des ralentissements ont été constatés sur la plateforme du gouvernement. De très nombreux Français ont ainsi dû attendre plusieurs heures pour savoir s’ils étaient négatifs ou positifs ces derniers jours.

L’interface SI-DEP, qui permet aux pharmaciens et aux laboratoires de rentrer les résultats des tests, a connu des bugs récemment. Les professionnels de santé n’ont alors pas pu se connecter pour entrer les résultats des tests. “On a eu des plantages réguliers, avec une erreur 404 qui s’affiche sur la page”, explique Philippe Besset au Parisien.

Contactée par le quotidien, la Direction générale de santé (DGS) a mis en cause “des saisies trop conséquentes sur un temps très court”. “Le nombre de tests réalisés par jour ne pose pas de problème (capacité de 3 millions), mais c’est la concentration sur une plage donnée qui provoque ces incidents”, expliquent les autorités. L’afflux de résultats de tests en heures de pointe provoque ainsi des bugs sur le site. 

La Direction générale de la Santé a pris le problème à bras-le-corps et décidé d’augmenter la capacité des machines qui réalisent les tests. Elle passe ainsi de 3 millions à 12 millions de tests par jour afin d’“absorber” le nombre de résultats saisis par les pharmaciens et les laboratoires, notamment lors des pics d’activité. “Les nouvelles machines sont en train d’être installées et configurées et la capacité a d’ores et déjà été doublée la nuit dernière”, note ce vendredi la DGS auprès du quotidien.

Tester les élèves? “Ce ne devrait pas être à nous de le faire”

Tant de manœuvres pour encaisser le nombre faramineux de tests qui ne fait qu’augmenter pendant cette 5e vague. Une stratégie qui mériterait encore d’être révisée à en croire François Blanchecotte et Pierre Olivier Variot.

Pour ce dernier, la situation serait largement plus “tenable” si les pharmacies n’avaient pas à tester les écoles. Malgré l’allègement du protocole scolaire, la politique du cas contact induit un très grand nombre de tests chez les élèves. “Ce devrait être au ministère de l’Éducation nationale de les tester dans les écoles, pas à nous”, estime-t-il. Il évoque par ailleurs les contraintes inhérentes au fait de tester les enfants “qui peuvent avoir peur, mal, qui ne coopèrent pas”, “et c’est tout à fait normal”, précise-t-il. Mais qui, de fait, font perdre encore davantage de temps aux personnels qui doivent tenir la cadence.

François Blanchecotte, lui, aimerait qu’il y ait une meilleure appréhension du terme “cas-contact”. “Il est nécessaire de bien déterminer si l’on est vraiment cas-contact ou non. A-t-on passé une demi-journée auprès d’une personne positive sans enlever son masque et en respectant les règles de distanciation? Ou a-t-on déjeuné avec elle sans protection, sans faire attention? Les deux cas sont très différents en termes de contamination. Il faut mieux déterminer quand il est vraiment nécessaire de faire un test”, préconise-t-il. 

À voir également sur Le HuffPost: Macron “assume totalement” ses propos sur les non-vaccinés

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